« Tequila nous a mis le pied à l’étrier »
Qui dit famille Mémain dit montagne et ski ! Isabelle Mémain a d’ailleurs été membre de l’équipe de France durant sa jeunesse. Son époux, Pierre, a été cadre chez Rossignol. Rien à la base ne prédestinait les grenoblois à atterrir dans le milieu équestre…
L’histoire avec les poneys débute aux Gets (station de ski où réside leur chalet). Leur fille Emilie, 8 ans, monte à l’époque une belle ponette noire de taille C d’origines inconnues nommée Tequila. A la fin de l’été, alors qu’elle apprend que sa petite complice est destinée à la boucherie si elle ne trouve pas un acquéreur, elle remonte ses manches lors d’une réunion de famille, fait le tour de la table et réussi à réunir l’argent nécessaire pour la sauver !
Tequila deviendra une bonne ponette de sport et permettra à bon nombre d’enfants d’évoluer dans plusieurs disciplines. Inscrite entre-temps au stud-book du Poney Français de Selle (et rebaptisée « Tequila de l’Arbalou »,) elle s’est ensuite consacrée à l’élevage « et nous a fait de très beaux produits », précise Isabelle qui poursuivra sur l’histoire familiale au cours de notre conversation. Parmi eux : Pop Roc de l’Arbalou (IPO 141), fille de l’autre très grand complice d’Emilie, Rococo du Thuit. Lors de notre échange, Isabelle nous apprendra que Tequila s’en est allée, à 38 ans. « Tequila a été notre doyenne. Son départ a beaucoup marqué Emilie, elle représentait toute sa vie de cavalière ». Cette petite ponette est à l’origine de l’aventure familiale que nous vous contons aujourd’hui.
Rococo du Thuit, gagnant de deux Grands Prix de CSIP avec Emilie
Rapidement, le virus d’Emilie se transmet à sa famille et un autre poney, Welsh Pony cette fois, est acheté : Viking de Ray (par le célèbre Astronaute ex Paith Astro). Avec lui, Emilie tourne en B1 Elite et sa petite sœur Elodie est sacrée championne de France B1 Elite en dressage en 1998 et médaillée de bronze dans cette même catégorie en CSO. Un peu plus tard, un troisième poney, plus grand cette fois, vient l’équiper : Candi de l’Aumont (Pfs, par Syrius de Mai) acheté après son titre de champion des 4 ans et avec lequel elle commence à tourner sur de belles épreuves. Nous sommes au milieu des années 90 et Isabelle est parallèlement présidente du Cercle Hippique des Alpes (CHA), le plus important centre équestre de Rhône-Alpes.
Pour l’étape suivante, celle qui lui permettra d’aborder le haut niveau à poney, Emile est accompagnée de Thècle de Selle, un Connemara expérimenté par l’excellent Next Oak, basé aux écuries Bost et classé régulièrement en Grand Prix. Ensemble, ils parviennent à se hisser sur la troisième marche du podium du championnat de France D1 (la troisième plus grosse catégorie des championnats à l’époque).
Peu de temps après, la fille ainée d’Isabelle et Pierre fait connaissance de Rococo du Thuit (par Cove Commander et Rosbeg Rosie par Shindilla, soit le propre frère de l’européen en saut d’obstacles Piccolo du Thuit), un male Connemara qui a décroché le titre de vice-champion de France D1 Elite (au terme de la finale tournante de 1997) avec Fabrice Chanoine. Noëlle, la mère du garçon, cherche alors un nouveau cavalier pour son poney et l’essai dans le Limousin est programmé. Accompagnée d’un éleveur moniteur du CHA, Emilie repart à Grenoble… avec Rococo dans le camion ! « Pourtant, l’essai ne s’était pas très bien passé ! Une semaine après, ils remportent les deux D1 de la Maxe. Quelques semaines plus tard, engagés sur l’international de Bourg-en-Bresse, ils terminent 2e d’une grosse épreuve derrière le couple vice-champion d’Europe », se rappelle Isabelle. Un mois plus tard, contre toute attente, ils sont gratifiés d’une victoire dans le Grand Prix du CSIP de Moulicent. Leur saison 98 se solde au championnat de France Petit Grand Prix (7e/12). En 1999 et 2000, Emilie et Rococo poursuivent en Grand Prix et mettent à leur actif le CSIP de Madrid.
De cette époque, en tant que mère, Isabelle se souvient que les Grands Prix se comptent, par mois, au nombre de deux : « Tous les enfants des quatre coins de la France se retrouvaient au même endroit. Il y avait une vraie unité et on ne gagnait pas un Grand Prix en étant seul partant ou face à deux ou trois concurrents. Ça donnait une solidarité entre les enfants et on la retrouve encore aujourd’hui. Ils sont encore copains ! ».
Le déménagement en Normandie : le Haras de l’Arbalou voit le jour
Au milieu de tout cela, Isabelle et Pierre ont l’opportunité d’acheter une partie de l’élevage du Haras de Montmain, « Manuel Lefevre était moniteur au CHA, c’était un ami proche. Nous avons acheté à son père (Jean-Marc Lefevre, ndlr) trente-deux poneys, poulinières et étalons, de 0 à 6 ans ! ». C’est à cette période également qu’ils achètent une structure – un ancien élevage de vaches – située dans les marais du parc du Cotentin et du Bessin, à côté de Saint-Lô. Cette structure deviendra le Haras de l’Arbalou. Isabelle poursuit : « nous avons ainsi transité tous nos poneys et chevaux. Mon époux a pris une disponibilité pour création d’entreprise, j’ai vendu ma pharmacie de Montbonnot-Saint-Martin, j’ai laissé ma casquette de présidente du CHA et avec les quatre enfants, nous avons déménagé en 1998 en Normandie. Et… nous avons complètement changé de vie ! ». Comme Isabelle, Pierre ne connaissait pas grand-chose au milieu équestre avant les débuts d’Emilie sur Tequila. En Normandie, il prend une place prépondérante dans ce nouveau projet en s’occupant de toute la technique, des saillies, de l’étalonnage, de la gestion des près et des bâtiments.
Au Haras de l’Arbalou, propriété d’une trentaine d’hectares, les Mémain construise une carrière, un manège, des boxes, un barn, des stabulations… Ils développent également un élevage de poneys de sport « la meilleure façon d’avoir les poneys que l’on désirait était de se les fabriquer avec la conception que nous avions de la génétique ». Très rapidement (soit la deuxième génération), nait Laughty de l’Arbalou, le futur champion des 6 ans.
Les poneys nés au Haras de l’Arbalou sont majoritairement inscrits au stud-book du Poney Français de Selle. Quelques-uns naissent New Forest. Les Mémain affectionnent tout particulièrement cette race. Il y a aussi des poneys Shetlands. Geoffrey, le petit frère (ancien cavalier de Viking et Thècle, aujourd’hui préparateur physique et réathlétiseur du centre médical de Clairefontaine pour la Fédération Française de Football) les prépare. Pour le compte de leur élevage, l’étalon Connemara Rococo du Thuit ne produira qu’un seul produit en race pure (avec la mère de Lehid des Vauts, étalon monté en cycle classique par Emilie). « A l’époque, Rococo déclenchait des polémiques chez les puristes. Soit on le trouvait trop sport, soit sa robe ou ses yeux étaient critiqués. Au regard de son palmarès et de ses origines, les Haras Nationaux ont fait le forcing pour que le stud-Book PFS l’accepte. Nous étions fâchés, alors il n’a produit qu’un poulain Connemara chez nous. Vous savez, nous sommes un peu des fortes têtes ! En New Forest par exemple, on trouvait que le bureau était en déconnection avec la réalité économique et sportive. Le marché était, et est toujours, le poney de sport ». Le New Forest O’Fever de l’Arbalou (gagnant en Grand Prix du haut de ses 1,40m) a par exemple été présenté trois fois à l’approbation étalon « et à chaque fois il s’est fait laminer sur sa note de saut ! Il faut de tout pour faire un monde : la cohabitation « loisir » et « sport » dans une même race est possible du moment où intellectuellement on a bien séparé les choses ».
L’étalonnage est parallèlement développé : « Nous avons proposé des étalons quasiment tout de suite : Rococo, Silverlea Baywatch, Willoway Montmain Gold Charm (champion suprême New Forest) – des étalons New Forest d’origines britanniques achetés au Haras de Montmain – Niloway de l’Arbalou… Etoile d’Hardy nous a également été confié par Marie-Dominique Saumont-Lacoeuille ». Au sujet des étalons encore, leur devise est claire : approuver des étalons qui sortent de la norme sur l’un des trois ateliers au moins. « Un étalon qui sort du lot aux allures, en saut et au modèle reste exceptionnel. En revanche, pendant très longtemps on s’est contenté d’approuver des étalons moyens partout. C’est dommage car seuls les fers de lance font la publicité d’une race ».
Le Haras de l’Arbalou fera naître pas loin de deux cents poneys de 1999 à 2018 (dont une année record à quinze). Un certain nombre d’entre eux sont indicés à plus de 120 / 130. Parmi les têtes d’affiche, il y a bien sûr le petit étalon New Forest O’Fever de l’Arbalou (par Silverlea Spring Fever et Gatine de Montmain par Flightpath), cité plus haut, gratifié de victoires en Grand Prix et d’un IPO 162 , Laughty de l’Arbalou (Pfs, par Naughty van Graaf Janshof SL, Co et Betty du Montmain par Quedor du Coteau), champion des 6 ans de CSO (IPO 131), l’étalon New Forest Niloway de l’Arbalou (par Willoway Montmain Gold Charm et Gatine de Montmain par Flightpath), vice-champion des mâles NF de 2 ans, 5e de la finale des 7 ans en 2008 et exporté en Italie, Theclosway Arbalou (Nf, par Niloway et Silverlea Bernice par Silverlea Spotlight) indicé 169 en 2022, Empire Rocj Arbalou (Pfs, par O’Fever de l’Arbalou, Nf et Markise de l’Arbalou par Rococo du Thuit, Co), classé en As Poney Elite de CCE, Prince Roc Arbalou (Pfs, par Rococo du Thuit, Co et Caty de Montmain par Rigodon), IPO 140 et vendu en Turquie, Sacrer Roc Arbalou (Pfs, par Rococo du Thuit, Co et Insolite de Montmain par Dutche de Montmain), IPD 146…
L’élevage, l’étalonnage, mais aussi la valorisation. Emilie évoluant en Grand Prix, Elodie tournant aussi en dressage à bon niveau, cette branche est donc naturellement développée. « Rococo a été notre fer de lance en tant que performer et étalon. Grace à lui, Emilie s’est vu confier pas mal de poneys pour la valorisation. A une période, au Haras, nous avions quatre-vingts poneys et chevaux (90% de poneys) ». Cavalière valorisatrice, Emilie passera son monitorat et son diplôme d’ostéopathie équine à Brighton en Angleterre. « Nous avons été dans les premiers, je pense, à proposer l’intégralité de la filière : faire naitre, élever, valoriser et commercialiser. Aujourd’hui, ça se fait beaucoup plus ! ».
Au CHA, l’instructeur était Bernard Sauvage de Saint Marc, cavalier instructeur de Saumur passionné de dressage. « Il a toujours considéré que pour bien sauter il fallait d’abord bien dresser. Nous avons toujours gardé ça en tête ». Lorsque les Mémain sont arrivés en Normandie, ils ont organisé des Cycles Classiques de dressage pour les jeunes poneys « et nous avons créé un challenge. Le fait de courir des cycles classiques de dressage et de CSO permettait de gagner de très jolis prix au classement final ». Notons enfin qu’Isabelle a porté la casquette de présidente de l’ONP (Organisation Normandie Poney).
Le Haras de l’Arbalou a été vendu en décembre 2021. « On a gardé de très belles amitiés. On a passé la main sans aucune amertume et surtout avec de très beaux souvenirs en tête avec nos poneys ». Un autre projet a déjà pris forme depuis plusieurs années et s’est considérablement développé : la Boutique de l’Arbalou.
Le développement de la Boutique de l’Arbalou
Le contexte ? « On a toujours élevé pour valoriser ; c’était exceptionnel pour nous de vendre un foal. Emilie a eu quelques problèmes physiques et a arrêté la valorisation. Pierre a pris sa retraite. La gamme Arbalou était quant à elle en plein développement ». C’est en Normandie qu’Isabelle (qui avait une pharmacie à Périers, à 20 kilomètres du haras) et ses filles ont commencé à élaborer des produits de soins et que la boutique de l’Arbalou a vu le jour. Emilie, en tant que cavalière et éleveuse, a toujours fait les tests (d’appétence, de facilité, d’utilisation, d’efficacité…). Aujourd’hui, elle y travaille à 100% avec Elodie. Le premier produit de la gamme est sorti en 2011 ; la Boutique fête cette année ses 12 ans d’existence.
« Quand j’étais à la pharmacie, je faisais beaucoup d’équin et je n’étais pas vraiment satisfaite de la composition des produits que je vendais. Ça faisait un moment que j’avais ce projet en tête et avec Elodie, devenue pharmacienne à son tour, nous en discutions souvent. Quand j’ai vendu mon officine à des confrères de la commune, j’ai gardé les murs. C’est dans ce local, très bien placé par ailleurs, que nous avons lancé notre gamme ! Très rapidement nous avons réalisé le site internet et on a transité le siège vers Grenoble, notre région d’origine. Se lever et avoir les montagnes en face de soi, c’est dans nos gènes ! ». D’une autre manière, et avec ce côté entrepreneurial, les Mémain ont continué d’évoluer dans le milieu équestre avec leur gamme Arbalou soins, « et quand nous sommes à Lamotte-Beuvron (chaque année, la Boutique de l’Arbalou a un stand au Generali Open de France, ndlr), on voit plein de personnes que l’on connait bien, c’est très sympa. On continue d’observer nos poulains en compétition et les produits de nos étalons ».
Des connaissances de cavaliers, couplées à celle de l’élevage, aux connaissances ostéopathiques et pharmaceutiques à la base de toutes les formulations ; voilà les qualités de ce trio efficace et proche des cavaliers. « Intellectuellement parlant, la création de produits et de nouvelles formules, le fait de se tenir au courant des dernières avancées scientifiques, c’est absolument passionnant ! On est passé d’un métier d’éleveur valorisateur passionnant à un autre métier passionnant qui consiste à créer des formulations de produits » de conclure Isabelle. (Notez que le mot passion revient souvent !).
Les coordonnées de la Boutique
1012 chemin de la croix verte
ZA croix verte
38330 Montbonnot-Saint-Martin
Site web : www.boutique-arbalou.com
D’où vient ce nom Arbalou ?
Il y a toute une histoire derrière cette affixe et cette marque. Lorsqu’Isabelle et Pierre ont construit leur maison à Montbonnot-Saint-Martin (une commune située à une dizaine de kilomètres de Grenoble et siège social de la boutique de l’Arbalou) ils ont souhaité lui trouver un nom. La meilleure amie de FAC d’Isabelle était marocaine et son père, préfet de région au Maroc et d’origine berbère, est venu dîner un jour chez eux. C’est lors de ce repas qu’ils évoquent ensemble le sujet. « A Montbonnot il y a des sources qui descendent des montagnes et nous souhaitions avoir un nom en rapport avec l’eau. Il nous a suggéré « Arbalou ». Arbalou signifie source en berbère. Pour nous, la source a plusieurs significations, elle donne la vie, c’est le début de beaucoup de choses ». Leur maison s’est appelée Arbalou, le Haras a porté ce nom : il ne devait pas en être autrement pour leur gamme de soins.
