Depuis quelques années déjà, l’élevage Alias se démarque dans les épreuves d’élevage du National Poney Français de Selle. La preuve encore lors du dernier Sologn’Pony soldé par cinq accessits dont deux victoires ! Inception, Jungle Boogie, Kaiser Storm, entre autres, ont mis en exergue leur affixe et leur souche maternelle commune, celle de Queen Sympatico Tilia.
Derrière cette petite famille « Alias », se cache une éleveuse : Miléna Le Guen. Poney As revient avec elle sur le Sologn’Pony 2021 (partie 1) et les objectifs de l’élevage, entre autres (partie 2).
Interview.
PA : Entre le sport et l’élevage, quel est l’objectif majeur de ton élevage ?
MLG : Ce serait d’avoir une meilleure transition entre les deux. La jonction entre l’élevage et le sport est compliquée. D’ailleurs, c’est un peu mon regret de ne pas revoir tous mes poneys par la suite. J’essaie de les mettre dans les meilleures dispositions, au vu de mes moyens, à 3 ans, 4 ans voire un peu plus quand je les garde, j’aimerai vraiment beaucoup que mes poneys réussissent au plus haut niveau, mais je trouve encore difficile de trouver des écuries qui travaillent correctement, sans se presser, en respectant le rythme d’évolution du poney et du cavalier. C’est bien d’avoir de l’ambition, mais il faut aussi se donner les moyens et se remettre en question. Comme tout éleveur, oui je rêve d’avoir un poney sur les grosses échéances et j’espère un jour y arriver. Addiction avait amorcé les As Elite et j’espère qu’il y en aura d’autres. Ça rend forcement fier.
PA : Comment fonctionne l’élevage Alias ?
MLG : Nous avons acquis en mai dernier (Miléna et son compagnon Julien Delorme, maréchal-ferrant) une propriété d’une dizaine d’hectares en plein cœur du pays d’Auge. Nous sommes installés et avons les chevaux sous les fenêtres, c’est un bonheur ! Je me fais plus plaisir, et suis aussi à 5 minutes de mon travail (Miléna est responsable d’élevage chez HDC, ndlr), c’est vraiment l’idéal. Je peux maintenant tout allier et c’est ce qu’il me manquait auparavant. Ces trois dernières années, j’ai réduit énormément l’effectif par choix, avec une ou deux naissances par an. Je voulais vraiment me recentrer sur mon activité professionnelle. Pour les croisements, je fonctionne au coup de cœur, je choisis uniquement des étalons qui me parlent, je ne place pas l’aspect commercial en premier. Il faut que les étalons conviennent extrêmement bien aux juments. Je vends mes poulains in utéro et sous la mère dans la majorité des cas. Cette année, avec Queen, je me suis autorisée à faire un transfert avec le Connemara Leadership : ce poulain là je vais le garder. Elle est aussi pleine de Balou Star et le poulain est réservé. J’essaie de garder les poulains de Queen pour les valoriser moi-même sur le circuit d’élevage. Ceux de ma poulinière Un Ange Passe au Péna (Co, par Dexter Leam Pondi et Gamble de Garenne par Kid de Garenne) sont vendus très rapidement aussi. Elle produit des poneys pratiques, avec des moyens, très respectueux et faciles. C’est un vrai plaisir. Avec cette poulinière, j’ai fait cette année un transfert avec Rex the Robber et elle porte un poulain d’Usandro qui est déjà vendu. Si avec Rex elle me donne une femelle, je la conserverai. L’année prochaine, il y aura exceptionnellement un peu plus de poulains à l’élevage car nous avons fait des transferts, nous avions de la demande. J’attends donc cinq poulains (trois sont vendus) : Queen avec Leadership (transfert, poulain gardé par Miléna) et Balou Star (vendu), Un Ange avec Usandro (vendu) et Rex The Robber (vendu si c’est un mâle, et conservée si c’est une femelle). Le croisement Un Ange x Usandro fonctionne, mais j’essaie d’en avoir un autre : si c’est une femelle, je pourrais par exemple la croiser avec Usandro. Je voulais vraiment utiliser Rex The Robber même si nous avons très peu de recul sur sa production en France. Son pedigree est vraiment top et je pense qu’il correspond extrêmement bien à la ponette. Nous avons aussi utilisé pour notre compte Top Secret Tilia (Wb, par Hondsrug Raspoetin) : elle est pleine de Chacco Rouge.
PA : Envisages-tu de croiser Un Ange Passe au Péna avec un étalon Connemara pour avoir un produit en race pure ?
MLG : Je n’ai pas spécialement envie. Quand on regarde les résultats de cette souche là, ce ne sont pas les croisements avec les Connemara qui fonctionnent le mieux. Je reste vraiment sur cette ligne de conduite pour elle – c’est-à-dire les croisements – malgré les nombreuses demandes en race pure. Leadership, par exemple, ne correspond pas à mon avis à cette ponette. Elle est déjà 100% poney et c’est important d’avoir des poulinières de race pure. Il faut cependant lui ramener de la taille, du sang, de la locomotion, de l’étendue.
PA : Choisis-tu systématiquement les croisements ?
MLG : Oui, je ne fais pas de location de ventre.
PA : Et la technique de l’ICSI ?
MLG : Oui (rire) ! Plus sérieusement, je ne veux pas basculer dans l’excès, je trouve intéressant de conserver un aspect « rare » et de ne pas multiplier les poulains, même si Queen par exemple le mériterait. J’aime cette idée là… et je n’ai pas envie de tirer sur Queen : le transfert et l’ICSI restent quand même des techniques invasives, qui peuvent être contraignantes pour les juments. Inception et Addiction prendront sa suite à l’élevage. Il faut aussi accepter la suite… Concernant les transferts avec Queen, cela fait des années qu’on me le demande. J’aurai pu le faire avant, mais je n’osais pas trop me lancer. Toutefois, ce n’est pas parce que je l’ai fait cette année que je le referai tous les ans.
PA : Pour les poneys que tu gardes, comment sont-ils valorisés et par qui ?
MLG : Je travaille avec Luc Demarcy et je vais continuer. Je lui ai confié ma troisième ou quatrième ponette et tout se passe très bien. Nous avons la même façon de voir et de travailler. J’ai une totale confiance en termes de soins.
PA : Qu’envisages-tu pour Inception à court terme ?
MLG : Elle est en ce moment chez Luc Demarcy justement (le jour de l’interview, ndlr). Je me suis dit qu’étant dans la mouvance des concours, en pleine forme, il était adéquat de la mettre quelques semaines dans les rails, sur un petit parcours et enchainer un peu à l’extérieur en sautant quelques sous-bassement. Elle va revenir à la maison pour de grandes vacances, à l’herbe, puis elle repartira l’année prochaine chez Luc faire les 4 ans. L’idée est de faire la formation chez lui pour qu’elle soit montée assez rapidement par son fils Jules (tout jeune cavalier associé actuellement à Sagami San Joyeux et Venga Derlenn, ndlr) que je trouve brillant et bosseur. Si on peut se le permettre au regard de sa taille, Inception suivra le circuit Poney. Notre rêve est de la voir faire les 6 ans sur le Grand Parquet ou encore les 7 ans avec Jules, voire plus ! L’élevage nous permet quand même de rêver, j’aimerai vraiment qu’on y arrive !
PA : Tu as d’ailleurs déjà confié à la famille Demarcy ton autre championne de France d’élevage Fortune Teller Alias. Que devient-elle ?
MLG : Oui, Fortune Teller était chez les Demarcy cet hiver. Elle n’a pas fait la finale car nous l’avons vendue à une famille qui veut la préparer pour faire de grosses épreuves, j’espère que ça aboutira. Elle a rejoint sa nouvelle cavalière – une élève de Philippe Barbot – au mois de juillet. Elle avait très bien commencé sa saison de 6 ans, en Cycle Classique / Formation 2 et était largement qualifiée pour la finale.
PA : Le Haras de Clarbec par le passé, HDC aujourd’hui, que t’apporte ce poste de responsable d’élevage dans ce type de structure de renom ?
MLG : Je me suis toujours intéressée à l’élevage de chevaux depuis que j’élève. Ce type de maison extrêmement exigeante apprend la rigueur au travail. C’est une structure pointue à tous les niveaux, en termes de soins, de manipulations, de techniques de reproduction… Cela m’aiguille dans mon fonctionnement, dans ma façon de faire les choses. Je ne cesse d’apprendre. Travailler avec des intervenants extérieurs qui nous apprennent des choses supplémentaires, des professionnels de santé ultra compétents dans leur domaine : ces gens vous tirent vers le haut.
PA : Pour toi, quel est l’archétype du poney de sport idéal ?
MLG : C’est dur ! Une ponette comme Armène du Costilg fait rêver car elle a un sens de la barre extraordinaire, beaucoup d’énergie et une envie de gagner incroyable. Je dirai un mixte entre Armène, Champagne d’Ar Cus pour la force et Vaughann de Vuzit pour la qualité de saut et le mental. J’aime les poneys qui ont du sang, du respect et cette envie incroyable de sauter. Et j’en oublie… Je pense à Callas et Quabar pour leur longévité, entre autres. Ils ont eu plusieurs cavaliers sur le dos et ont toujours montré cette envie de bien faire. C’est remarquable. Ils ont été gardé dans le même système, n’ont jamais changé de maison. En fait, on en revient toujours à cela : il faut réussir à trouver le système qui convient aux poneys. On remarque toute l’importance de l’encadrement, du travail, des soins, la rigueur…