Retour à la liste d'articles Article du 10/10/2024

Sébastien Maillet : « Je ne suis absolument pas dans une logique de rupture, même si, sur certains sujets j’aurai des positions différentes »

Sébastien Maillet, éleveur sous l’affixe « du Péna », a été élu président de l’Association nationale du Poney français de selle (ANPFS) lors d’un conseil d’administration tenu le 6 août dernier. Cette élection a pris effet le 16 août, lors de la Soirée de l’avenir du Sologn’Pony, qui fut l’occasion pour Marie-Dominique Saumont-Lacoeuille, présidente de l’association depuis 2002, d’annoncer officiellement son départ. Sur quels socles le nouveau président de l’ANPFS compte-t-il s’appuyer dans son engagement au sein de la plus grosse association (en nombre de naissances et d’adhérents) de poneys de sport en France ? Quels sont ses objectifs, ses convictions ? Quels sont les changements potentiels qui se dessinent ?
Entretien.
Sébastien Maillet est le nouveau président de l’Association nationale du Poney français de selle (ANPFS) – ph. coll. privée
Sébastien Maillet est le nouveau président de l’Association nationale du Poney français de selle (ANPFS) – ph. coll. privée

Quelle est votre expérience associative au sein de l’ANPFS ?
J’élève depuis une vingtaine d’années des Poneys français de selle et, comme beaucoup d’entre eux, j’ai participé à l’aventure du Sologn’Pony depuis sa création et je fais partie de ceux qui ont connu les finales du Cycle classique à Fontainebleau avant leur déménagement à Lamotte-Beuvron. Je n’avais toutefois pas de contact particulier avec l’ANPFS, outre ceux que peuvent avoir des éleveurs au sujet de questions relativement classiques tels que celles concernant les engagements, les inscriptions à titre initial, etc. Ma contribution associative au sein de l’ANPFS est relativement récente, les choses ont un peu changé il y a quatre ou cinq ans. J’ai suivi une formation de juges avec le Selle Français et, assez rapidement, on m’a proposé de juger des concours d’élevage locaux, au Pin et à Saint-Lô. Il y a un peu plus de deux ans, Marie-Dominique Saumont-Lacoeuille est venue à Saint-Lô pour juger le concours local et elle m’a demandé si je souhaitais intégrer l’ANPFS en tant qu’administrateur. J’ai eu l’occasion de découvrir le fonctionnement de l’association, de découvrir aussi Marie-Dominique davantage et de me rendre compte de sa volonté d’intégrer dans son dispositif des personnes investies dans l’association et ayant, je pense, un certain état d’esprit, en tout cas l’envie de travailler pour l’intérêt collectif, sans démarche commerciale ou ultra-communicante, sans intention de se servir de l’ANPFS comme d’un marchepied pour faciliter leurs trajectoires individuelles. Je pense aussi qu’elle avait de moi l’image d’un éleveur très investi dans le travail de sélection. Je me suis donc présenté aux élections au cours du printemps 2023, j’ai été élu, et c’est ainsi que je suis entré au conseil d’administration en tant que trésorier adjoint. C’est vraiment là que mon engagement associatif au sein de l’ANPFS s’est matérialisé.

Pour quelles raisons avez-vous choisi d’adhérer à l’ANPFS et, au bout du compte, de vous y impliquer ainsi ?
Je sais que ce n’est pas facile de mener une barque associative, et, en disant cela, je ne critique en aucun cas le travail réalisé par les autres organismes de sélection (également appelés « OS », ndlr), mais l’ANPFS me semble être l’OS qui propose aux éleveurs le projet le plus enthousiasmant. Au niveau de la lisibilité du programme d’élevage, du dynamisme, du service apporté aux éleveurs, de la communication, de la mise à disposition d’outils, de la reconnaissance du travail d’éleveur au travers des primes ou des encouragements, je trouve qu’il n’y a pas d’équivalent, aujourd’hui, en France. Je me suis vraiment reconnu dans ce qui était proposé aux éleveurs et c’est aussi tout cela qui m’a encouragé à élever des PFS depuis une vingtaine d’années. Marie-Dominique Saumont-Lacoeuille a fait sur ces vingt-cinq dernières années un vrai travail fédérateur, tout en ayant une politique claire et engagée, avec un certain nombre d’objectifs. J’ai adhéré à ce projet et je suis à la fois ravi et très honoré d’être le nouveau président de cette association, tout en ressentant, également, un peu de pression en héritant de tout ce travail accompli auparavant.

Sébastien Maillet élève des PFS sous l'affixe "du Péna". Sur la photo, il est en compagnie de son foal d'Ermitage Kalone - ph. coll. privée
Sébastien Maillet élève des PFS sous l’affixe « du Péna ». Sur la photo, il est en compagnie d’un foal d’Ermitage Kalone – ph. coll. privée

Qu’avez-vous retenu de cette période passée au sein du conseil d’administration ? Sur quel socle pensez-vous vous appuyer ?
Pour moi, le socle principal c’est d’abord le travail d’équipe, c’est fondamental dans le monde associatif. L’ANPFS est une très bonne équipe, avec des individualités assez marquées, des personnalités, des gens passionnés et investis. Se ressent aussi, et c’est peut-être là la différence avec d’autres organismes de sélection aujourd’hui, le sens de l’intérêt commun. Même si nous avons tous nos convictions et si nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout, nous allons quand même dans la même direction. Et finalement, quand il y a des désaccords, un mécanisme démocratique se met en place par le biais d’un vote. Il y a aussi notre concours national, ce rendez-vous annuel central, cette vitrine construite patiemment et au fil du temps par Marie-Dominique Saumont-Lacoeuille et son équipe. Les éleveurs doivent continuer d’y venir avec plaisir, pour passer un bon moment de convivialité, voir ce qu’il se fait de mieux comme Poneys français de selle, se comparer, et éventuellement acheter ; la dynamique commerciale est importante. Une nouvelle image de marque va d’ailleurs voir le jour l’année prochaine avec le « So’Pony ». Le travail d’équipe, la solidarité du conseil d’administration, le professionnalisme de nos salariés, le National de race, la lisibilité du programme d’élevage (car il faut toujours réussir à proposer à nos éleveurs un programme de sélection lisible, être clair sur les objectifs et les moyens d’y parvenir)… : pour moi ce sont les ingrédients principaux. La dimension internationale est aussi un élément qui entre en jeu : le PFS s’est hissé au premier plan des stud-books de poneys de sport à l’échelle européenne et les poneys de cette race attirent régulièrement les acheteurs étrangers. Il n’est pas évident, d’ailleurs, de profiter de cette notoriété naissante pour faire en sorte qu’elle profite aux éleveurs de manière plus large ! C’est un point sur lequel nous allons continuer de travailler, bien qu’il ne soit pas simple à traiter.

On imagine qu’un président de l’ANPFS fraichement élu surfera sur la dynamique forte en cours ? En d’autres termes, qu’il ne part pas d’une page blanche ?
Non, c’est une suite. Si on évoque la façon dont je vais écrire cette nouvelle page, je ne suis absolument pas dans une logique de rupture, même si, sur certains sujets plus spécifiques, j’aurai des positions un peu différentes, et c’est normal. Je suis complètement conscient de la qualité de l’héritage qui m’est offert en arrivant à la tête de l’ANPFS. C’est une association qui est en très bonne forme, sa dynamique est très forte (916 adhésions à fin septembre 2024 versus 805 à la même période en 2023, 1614 naissances contre 1360, 313 inscriptions à titre initial contre 295, toujours sur cette période). L’objectif est donc de faire fructifier tout cela, d’ouvrir cette nouvelle page, de développer peut-être de nouveaux projets, d’instruire des dossiers qui n’avaient pas eu forcément l’opportunité de l’être jusqu’à présent, mais en bâtissant à partir de l’existant. Comme moi, beaucoup d’éleveurs ont adhéré au projet de l’ANPFS ces dernières années, il ne faut pas les perdre en route en procédant à un changement d’orientation trop brusque, d’autant que, même si l’héritage est de très bonne qualité, la concurrence existe. Elle est assez importante, même, et se développe notamment au travers des sections de croisements « part-bred ». D’un strict point de vue financier, toutes les races natives en France (Connemara, New Forest et Welsh) voient tout ou partie de leur pérennité financière assurée par le développement de leur section de croisement.

La pérennité financière des organismes de sélection n’est en effet pas garantie par les seuls financements publics. Quel est votre regard en ce qui concerne l’ANPFS ?
C’est un élément de vigilance qui va être le mien et celui de mon conseil d’administration, absolument. Les OS se sont largement développés ces dernières années avec l’aide des financements publics, et c’est toujours le cas aujourd’hui. D’un point de vue financier, nous sommes toujours assez largement tributaires des subventions que le ministère de l’Agriculture nous accorde. Si on replace ce sujet dans le contexte plus global des finances publiques de la France, il faut s’attendre à ce que ces financements soient, année après année, de moins en moins importants. Un organisme de sélection comme l’ANPFS doit arriver à développer d’autres sources de financement, en lien, par exemple, avec ses adhérents et les partenariats. La démarche commerciale d’un organisme de sélection est aussi un élément de la stratégie qu’il ne faut pas négliger.

Y a-t-il déjà des objectifs qui se dessinent ?
Oui, même s’ils ne sont pas encore fixés de manière précise. En ce qui concerne, par exemple, le nombre d’adhérents, nous ne sommes pas loin du millier, et j’aimerais bien qu’à brève échéance on arrive à dépasser ce cap de manière significative et durable. Nous allons discuter de tout cela lors d’un séminaire qui réunira, le 18 octobre, l’ensemble du conseil d’administration. J’ai vraiment besoin, pour écrire ce nouveau chapitre, de le réunir physiquement avec le bureau afin de réfléchir à nos projets, d’en faire la liste et de les prioriser. Marie-Dominique a réussi à construire un collectif de travail et je veux le maintenir. Il est en effet extrêmement important que le conseil administration et le bureau soient pleinement investis et autonomes, efficaces et réactifs, car si certains sujets doivent bien évidemment faire l’objet de votes, tous ne le font pas. En ce qui me concerne, c’est probablement un peu du monde de l’entreprise que je vais apporter, dans le bon sens du terme, je l’espère, c’est-à-dire instruire les dossiers en amont, structurer nos petits groupes de travail ou commissions techniques avec deux ou trois personnes peut-être plus pointues sur tel ou tel sujet (commissions élevage, stud-book, événementielle, dédiée à l’organisation du National du Sologn’Pony, commerciale…), préparer des supports, tester les hypothèses et, une fois les sujets un peu dégrossis, les présenter en conseil d’administration afin de valider les constats, les différentes pistes de travail et présenter des recommandations.

La championne des femelles PFS de 3 ans Let It Be Farrier (Usandro Tilia Derlenn, Wpb x Dexter Leam Pondi, Co)
La championne des femelles de 3 ans Let It Be Farrier, lors de la soirée « Mademoiselle » du National Poney Français de Selle du Sologn’Pony de Fontainebleau – ph. Poney As

Si l’on poursuit sur la touche « Sébastien Maillet » au sein de l’ANPFS, quels sont vos convictions ?
J’arrive à la tête de l’ANPFS avec des convictions que j’ai forgées en tant qu’éleveur ces vingt-cinq dernières années et qui vont forcément guider mon action. J’en ai listé six. La première est l’importance que j’accorde au travail de sélection par la compétition. L’ANPFS est le stud-book de poneys de sport en France par excellence et je suis extrêmement attaché au fait que nos poneys soient testés en compétition, peu importe la discipline. Le seul moyen de vérifier que notre schéma de sélection est de qualité, c’est la compétition.
La deuxième, c’est la rigueur dans la sélection des reproducteurs mâles et femelles, et j’insiste vraiment sur ce terme de rigueur. Je trouve qu’aujourd’hui, sur certains rendez-vous de la race, on ne tient pas suffisamment compte de l’intérêt génétique. L’intérêt génétique, je le place à deux niveaux : sur le plan de la diversité et de la qualité. Par rapport à la diversité, nous avons une concentration d’origines sur un certain nombre d’étalons. Je pense qu’il va falloir que nous creusions le sujet afin d’éviter d’être confrontés dans les années futures à des problématiques de consanguinité trop importante. Il y a aussi le sujet de la qualité génétique : dans notre schéma de sélection, que ce soit en région, lors du National et du testage, un mâle ou une femelle issu(e) d’une souche maternelle modeste, voire inexistante, est évalué(e) exactement de la même manière qu’un sujet d’une souche maternelle de très grande qualité. Dans le catalogue des étalons de la jeune génétique 2024, nous avons commencé à introduire la note de souche, c’est-à-dire que nous sommes passés d’un système d’étoiles à un calcul de la souche maternelle des étalons en nous appuyant sur la méthodologie de l’Association nationale du Selle Français. Peut-être faut-il se dire qu’un mâle de 3 ans sans intérêt génétique n’a pas à être agréé à 3 ans même s’il semble intéressant sur les trois ateliers. Ne vaut-il pas mieux attendre de le voir évoluer entre 4 et 7 ans et l’approuver s’il montre de la qualité, s’il parait incontestable ? Et, a contrario, un poulain qui est vraiment à la porte du classement, qui présente une origine assez originale, sans étalon dans sa souche maternelle pourtant de grande qualité, pourquoi ne pourrait-on pas le repêcher ? Les circonstances vont probablement nous amener à le faire, de toute façon, car on ne peut pas durablement avoir quatre-vingt-dix mâles de 3 ans lors de notre National. Ce nombre parait bien trop élevé pour l’équipe du rond d’Havrincourt qui s’attèle au saut en liberté et pour nos juges qui ne peuvent assurer un jugement de qualité optimal sur la durée.
De plus, je pense qu’en tant qu’organisme de sélection notre rôle est de valoriser, de mettre en lumière et d’encourager le travail de sélection des éleveurs qui élèvent pour le haut niveau, tant par la communication que par l’accompagnement financier et par la mise à disposition d’outils de sélection (grâce au travail fait actuellement sur le programme génomique, auquel l’ANPFS est associée, par exemple). C’est l’une de mes grandes convictions. Nous sommes tous conscients que le haut niveau représente un pourcentage infinitésimal du nombre de poneys nés en France tous les ans. On le sait en tant qu’éleveur ou en tant que valorisateur. Pour autant, que ce soit dans l’équitation ou d’autres pratiques sportives, j’ai toujours considéré que le haut niveau est et doit rester une vitrine, il est et doit rester un facteur de motivation. Le haut niveau fait envie. Il tire vers le haut. En tant qu’éleveur, nous savons très bien que nous n’aurons peut-être jamais de poneys qui disputeront les championnats d’Europe, car la route est très longue. Même si nous faisons naître un poulain d’une qualité exceptionnelle, il y a tout un tas de facteurs extérieurs à la qualité intrinsèque du poulain qui peuvent faire qu’il passera à côté. C’est un métier de passion, c’est un métier de rêveur, et pour moi la seule façon de faire rêver les gens c’est de leur montrer ce qui se fait de mieux finalement, en leur laissant espérer qu’un jour peut-être ils auront la chance de faire partie de l’aventure du haut niveau, qu’ils s’agissent du niveau As Poney Élite Excellence ou championnat d’Europe. La première « Soirée mademoiselle », organisée cette année lors du National, a été pensée dans cet état d’esprit-là.
Il y a aussi les outils à mettre au service des éleveurs. En tant qu’OS, l’ANPFS récolte tout au long de l’année énormément d’informations, que ce soit des toises, des résultats en concours d’élevage, en cycle classique. Toutes ces données, nous n’en faisons au final pas grand-chose. Aujourd’hui, dans l’entreprise, on paie des data analysts dont le métier est de monter des bases de données, d’en tirer des enseignements et de mettre à disposition des indicateurs pertinents. J’aimerais beaucoup que l’on travaille là-dessus, même si monter des bases de données, trouver les indicateurs pertinents et vérifier leur fiabilité prend du temps et coûte de l’argent. Il faut que l’ANPFS aille chercher des financements, privés ou publics, pour être accompagnée dans cette démarche. Par exemple, le programme jeune génétique a structuré le schéma de sélection de l’ANPFS ces dernières années, en tout cas sur la voie mâle. Il faut se mettre en position d’en tirer des conclusions fiables.
Une autre de mes convictions est l’importance de la qualité de service auprès des éleveurs. Ayant eu moi-même des relations d’adhérent vis-à-vis du bureau, je crois que l’ANPFS est unanimement reconnue pour la qualité des services offerts à ses éleveurs, notamment au travers de ses deux salariées. C’est quelque chose qui est fondamental. C’est aussi cet élément-là qui explique le succès de l’ANPFS.
Ma sixième conviction, que j’ai pu observer dans le monde de l’entreprise et en tant qu’individu, est à rattacher au fait que l’on vit dans un monde hyper connecté et communiquant. Il y a quinze ou vingt ans, la communication était anecdotique ou accessoire pour une association d’éleveurs ; aujourd’hui, elle est centrale dans la stratégie d’une association comme l’ANPFS. Il faut avoir une communication de qualité, être présent sur les réseaux sociaux, avoir différents canaux de communication qui ne visent pas forcement la même population. C’est un formidable outil, et, là aussi, la concurrence est rude. Par exemple, quand je suis arrivé, j’ai proposé de faire la série « Nos éleveurs ont du talent » ; cela est assez anecdotique, mais elle plaît beaucoup. Les éleveurs apprécient énormément qu’on prenne le temps de les appeler.

Qu’ils s’agissent des mâles de 2 et de 3 ans ou d’autres classes du National par ailleurs, quels types de mécanismes pourraient être mis en place pour tendre vers des lots moins importants mais sans doute mieux sélectionnés ? Y-aura-t-il des modifications dès 2025 ?
Effectivement, la façon dont on va sélectionner les mâles de 2 et 3 ans ne sera probablement pas la même l’année prochaine. Il y a vraiment un sujet de réflexion global multifactoriel sur lequel on va s’engager. Par exemple, nous avons encore du travail à faire pour avoir une meilleure homogénéité de la sélection en régions. La question des ressources entre évidemment en jeu et je ne suis pas sûr que l’on puisse dupliquer le système de l’ANSF avec un corps de juges qui couvrirait l’ensemble du territoire national. Cependant, nous pourrions regarder d’où viennent nos jeunes mâles et nous organiser pour avoir des juges référents qui couvriraient ces principaux concours pourvoyeurs de candidats étalons pour le National, et ainsi commencer à assurer une certaine homogénéité de jugement. C’est une première étape. Il faut sans doute aussi relever notre seuil de qualification en région. Aujourd’hui, on qualifie à 15. Or, pour certaines régions, tous les candidats ont 15 au local ou au régional, ce seuil n’est plus suffisant. Nous avons également remarqué une assez forte hétérogénéité dans les classes des poneys d’1 an en constante augmentation. Comme pour les 2 et 3 ans, une sélection en région avant d’engager au National pourrait probablement être mise en place pour 2025. J’aimerais également que nos juges PFS aillent voir les éleveurs qui présentent un poney qu’ils estiment très juste d’état, pas prêt ou présentant encore des défauts de conformation pour courir le National. La pédagogie est importante.
Au niveau de la génétique, nous avons plusieurs façons d’en tenir compte. Elle pourrait être un critère de sélection en région : des centièmes ou des dixièmes de points de bonification pourraient être attribués, ce qui permettrait de donner un petit avantage avant le National aux candidats ayant une très bonne souche maternelle. L’approche a posteriori est également possible après examen des résultats des trois ateliers par une commission d’agrément lors du National.
Nous souhaitons également encourager le travail de sélection des éleveurs possédant de très bonnes femelles. La « Soirée mademoiselle » y répond. Nous envisageons aussi d’ouvrir à terme le testage aux meilleures pouliches et de donner aux éleveurs la possibilité de les faire caractériser par des experts cavaliers.
Il y a enfin le sujet des poneys hors taille, c’est un dossier pour lequel j’aimerais que nous menions une réflexion.

Une sélection de reproducteurs hors taille pourrait-elle voir le jour ?
C’est encore un peu tôt pour y répondre, mais la réflexion va être menée, c’est certain. Je souhaite faire passer le message aux éleveurs de poneys E qu’on ne les oublie pas. L’ANPFS a vraiment mis en place toutes les conditions dans son programme d’élevage pour encourager et faciliter l’utilisation du sang cheval. Moi le premier, j’ai beaucoup utilisé le sang cheval. L’une des conséquences négatives de ce schéma de sélection, nous la connaissons très bien, c’est le fait de voir arriver beaucoup de produits hors taille. C’est la conséquence incontournable. Aujourd’hui, nous avons énormément de sujets très imprégnés de sang cheval chez nos étalons PFS, mais aussi dans notre jumenterie. Or, il n’y a pas de propositions de notre part pour ce type de poneys. J’aimerais que l’on se donne la possibilité de regarder, d’examiner et de caractériser des PFS mâles hors taille, entre 1,50 m et 1,55 m par exemple, issus d’un schéma de sélection PFS, qui portent donc dans leur pedigree un certain pourcentage de sang poney. Plutôt que de pousser les éleveurs de PFS ayant des ponettes PFS de 1,40 m à 1,42 m, qui ont un ou plusieurs courants de sang cheval, à utiliser des petits chevaux, nous pourrions identifier dans nos PFS hors taille des étalons intéressants qui pourraient être croisés de manière moins risquée avec ce type de juments. Un certain nombre de mâles PFS hors taille ont un papier extrêmement séduisant, bougent, sautent et sont très bien faits, et ne font pourtant absolument rien en élevage. C’est très dommage. Je pense qu’on ne voit pas venir non plus le tsunami au niveau de la jumenterie. Ce phénomène ne fait pas exception au niveau des juments, peut-être avec un effet retard, mais il est en train d’arriver. Des ponettes PFS qui vont arriver sur le marché, qui ont une taille intermédiaire avec un courant de sang cheval, il y en a énormément. À qui va-t-on les adresser ? Les races natives de poneys, pour fixer la taille, peuvent être une option, mais je préfèrerais que l’ANPFS soit en mesure de sélectionner des mâles PFS de 1,52 m ou 1,53 m testés, en plus, sur le gène de la taille grâce à la génomique.

L’étalon PFS Hwen d'O Vezauziere s’impose dans la Coupe des 7 ans sous la selle de Lison Rivière – ph. Poney As
L’étalon PFS Hwen d’O Vezauziere, vainqueur de la Coupe des 7 ans du Sologn’Pony, récompensé par Marie-Dominique Saumont-Lacoeuille et Sébastien Maillet – ph. Poney As

Qu’ils s’agissent de mâles hors taille ou non, des changements dans les conditions d’agréments sont-ils attendus afin de tendre vers une meilleure sélection ?
C’est fort probable. Nos conditions d’inscription aux sessions d’agrément sont trop sélectives. Par exemple, on donne la possibilité aux mâles de 4 à 6 ans qui ont un BPO supérieur à 20 avec un coefficient de détermination supérieur à 0,60 d’être agréés automatiquement sur dossier ; sur le principe, je trouvais cela très intéressant de les approuver automatiquement. Or, quand on sort une extraction de fichiers de l’IFCE, en 2024 aucun mâle entre 4 et 6 ans ne répond à ces critères. Quand on descend le curseur, c’est-à-dire un coefficient supérieur à 0,40, nous trouvons cinq mâles seulement. Quand on le descend à 0,30, nous en avons quarante-deux. D’une manière générale, ce vers quoi nous nous orientons, ce sont des sessions d’agrément dans lesquelles nous allons inciter les éleveurs et propriétaires à présenter leurs entiers en nombre, en baissant les conditions d’accès. Pour les 4 à 6 ans sortis sur le circuit du Cycle classique, il fallait une mention en finale, mais entre-temps la SHF a modifié sa façon de calculer les mentions : il y en a beaucoup moins qu’avant. Peut-être faut-il se dire qu’un mâle de 4 ans ayant fait x nombre de sans-fautes au cours de la saison peut se présenter à la session d’agrément. Je veux ouvrir beaucoup plus largement l’accès aux sessions d’agrément, mais avoir une plus grande rigueur ensuite dans la sélection. Il faut réajuster. Pour les sessions d’approbation de printemps et d’automne, le fait que l’entier soit hors taille ne sera pas du tout un handicap s’il a des qualités intrinsèques. Si l’on considère qu’il peut apporter quelque chose à la race, il sera agréé. Un autre moyen de sélectionner – et c’est ce que fait le Selle Français sur le circuit des 4, 5 et 6 ans – serait d’avoir un jury sur les finales SHF et des 7 ans qui regarderait les poneys, en particulier les mâles non agréés PFS, afin de les caractériser. Il pourrait s’agir, d’ailleurs, d’un poulain vu au National de race et qui n’aurait pas été agréé car un peu juste à cet instant T. Sélectionner des étalons qui nous intéressent de manière pro active, en observant le circuit de valorisation du Cycle classique, est une démarche qui pourrait être envisagée. On ne le fait pas suffisamment. Cela a un intérêt de le faire aussi sur tous nos étalons approuvés à 2 et 3 ans.

Ces mesures pourraient-elles être mises en place dès 2025 ?
Le fait d’ouvrir plus largement nos sessions d’agrément, oui, c’est à brève échéance. Je pense que dès la commission de printemps, des choses vont bouger. Cela fait partie des dossiers prioritaires. Le fait de pouvoir juger les mâles lors des finales SHF, j’aimerais bien, mais notre corps de juges n’est pas si étoffé que cela. Peut-être y a-t-il quelque chose à mettre en place avec des juges de l’ANSF par exemple, cela pourrait être intéressant, aussi, d’avoir des juges extérieurs. Tout cela va être étudié, c’est sûr.

Cela fait pas mal de choses en perspective, donc !
Oui, et c’est très enthousiasmant ! L’héritage est formidable, je suis impressionné par tout le travail qui a été mené au cours de ces deux ou trois dernières décennies. Le cheminement du PFS est dingue… Mais en même temps, quand on commence à réfléchir, on se dit qu’il y a autant à faire. Les sujets et les dossiers sont vastes, et la difficulté est de savoir lesquels prioriser de manière pertinente et de trouver à la fois le temps et les compétences pour les traiter. Il y a beaucoup de choses à faire et je suis archi convaincu, en toute humilité, que nous pouvons passer encore dans une autre dimension et faire en sorte que le PFS garde son rôle de leader en France.

Propos recueillis par Pauline Bernuchon