Alizée Roussel : « Être un excellent cavalier n’est pas seulement ce qui permet de se hisser parmi l’élite »
Alizée Roussel : Amber dit « Beber » est un poney très spécial avec énormément de caractère ! Il appartenait à Judith Wollner avec qui il avait participé aux championnats d’Europe. J’avais un peu de pression de récupérer un si bon poney. Il m’a beaucoup appris, techniquement parlant car il était vraiment compliqué à monter. Mentalement aussi ! Avec lui, l’imprévisible était de mise ! Un jour tout était facile, et le lendemain on ne pouvait plus rien faire ! Combien de 0 et 1 ai-je eu avec lui sur les concours ? En 2 ans, ma progression à cheval a été fulgurante grâce à Beber. Il m’a permis d’être sélectionnée sur mes premiers CDIP et également de rencontrer Carlos Pinto à cette même époque. Beber a aujourd’hui 29 ans et coule des jours heureux dans son pré alsacien. Et il est gras comme un cochon ! Maxence, c’est un peu mon premier « poney au travail » de client ! Il appartenait au propriétaire des écuries où je montais Beber, Thierry Muringer, qui l’avait acheté tout bébé au fin fond d’un pré, encore entier. Nous l’avons débourré ensemble, puis il m’a demandé de le travailler et le valoriser ! Maxou était clairement l’opposé de Beber. Beaucoup de sang, un contact très léger voire inexistant, et il fallait tout lui apprendre. Je garde un excellent souvenir de ce partage « propriétaire-cavalier », le premier de ma carrière !
P.A : Membre de l’équipe de France Poney pendant deux ans, comment vit-on ses premières sélections ?
A.R : Ma toute première sélection je m’en souviens parfaitement, c’était le CDIP de Saumur en 2004. J’étais euphorique ! C’était un peu un rêve irréalisable pour moi, petite cavalière tout juste sortie des petites épreuves poney avec ma Pottock pie d’1,37 m Iseult Sonnenberg ! Mais je m’en souviens surtout parce que je me suis prise une GROSSE claque. Le niveau était incroyable, bien au-delà de ce que j’avais pu imaginer ! Nous avons évidemment été classé… dans les derniers ! La déception de la claque passée, c’est ce qui m’a permis de vraiment avancer dans le travail, et se confronter aux étrangers reste pour moi indispensable ! Mon meilleur souvenir sportif de ces années est ma victoire lors de la Coupe de France de Jablines avec Beber. Humainement, le partage avec toutes les autres cavalières du circuit Poney lors de chaque compétition est génial. Nous étions que des filles. Pour la plupart, nous sommes d’ailleurs encore concurrentes aujourd’hui : Camille Judet-Cheret, Pauline Leclercq, Natacha Micoud…
P.A : En 2016, tu remportes d’ailleurs le championnat de France Jeunes Poneys lors de la Grande Semaine de Saumur avec Orchard NL*Poney As. Racontes-nous !
A.R : C’était assez drôle de remonter à poney sur le moment ! Mais j’ai évidemment pris cela très au sérieux, et j’ai travaillé NL exactement comme tous les autres chevaux de l’écurie ! Matthieu Bellivier, son propriétaire, avait bien en tête de remporter le championnat et a tout mis en œuvre pour ça ! Étant une femme de défi, je l’ai relevé avec beaucoup de plaisir ! Je garde un excellent souvenir de notre collaboration, et j’ai également permis à NL de trouver sa cavalière, Fleur Weijkamp, qui avait à peine 10 ans à l’époque et que je suivais avec sa petite ponette ! Une belle aventure ! Et il se pourrait bien que vous me retrouviez à poney très bientôt, à suivre…
A.R : Le Hus a été mon université à moi ! La grande majorité de ma formation équestre, je la dois au Hus et à Jessica. J’ai monté énormément de chevaux différents, y compris en concours jusqu’au niveau St-Georges ! Ce fut une expérience incroyablement enrichissante. HHMZS (Hans Heinrich Meyer Zu Strohen) venait tous les mois avec Ariane Pourtavaf et je montais toujours plusieurs chevaux avec lui. Il est un vrai homme de cheval et j’ai adoré chaque séance de travail. Je suis encore aujourd’hui fortement imprégnée dans mon quotidien avec les chevaux de la « méthode Hus » inculquée par Jessica et HHMZS ! (À découvrir davantage très prochainement… ndlr)
A.R : J’ai intégré les écuries de Paul Schockemöhle à Muhlen, et j’ai eu en charge un piquet de 12 chevaux, essentiellement des 3 et 4 ans. Nous avions quasiment en permanence un entraineur dans le manège, et l’organisation des journées était calée à la minute ! C’est ce que je retiens le plus de cette expérience : comment être efficace et rapide tout en restant minutieux et à l’écoute du cheval ! J’ai également participé à leur fameux show d’étalons hivernaux, à leurs préparations ainsi qu’au tournage de plusieurs vidéos de chevaux que je montais ainsi que des séances photos. C’est vraiment organisé de manière très professionnelle, je me serais presque crue à Hollywood ! L’organisation allemande est une réelle source d’inspiration dans mon quotidien !
A.R : Ce n’est pas forcément un choix, mes premiers clients faisaient appel à moi pour les jeunes chevaux puisque j’étais formée et connue en grande partie pour ça. J’adore les jeunes chevaux donc je continuerai toujours à en avoir mais mon objectif est clairement les plus beaux concours mondiaux ! J’ai toujours mon cheval acheté au Hus, Don Amour, qui est le premier cheval que j’ai pu dresser de A à Z jusqu’au Grand Prix. Quaterbold fait également partie de mes premiers chevaux que j’ai eu au travail et avec qui j’ai pu beaucoup apprendre dans la formation du jeune vers le Grand Prix. C’est ce qui me plait le plus : les former depuis le plus jeune âge et les amener au plus haut niveau ! Dans mes écuries aujourd’hui, j’ai autant voire même plus de chevaux de 7 ans et plus que de jeunes ! Les JO, c’est l’objectif ultime de tout cavalier de haut niveau je pense et j’en rêve ! Nous avons l’honneur d’avoir les Jeux en France en 2024 alors pourquoi pas ? J’ai aujourd’hui la chance d’avoir beaucoup de très bons chevaux dans mes boxes qui ont le potentiel pour le Grand Prix à l’instar de Bel Amour, Figo de Hansez, Atlanta de Hus ainsi que tous les chevaux de l’élevage d’Arion avec qui je travaille depuis longtemps. La route est encore très longue, mais j’avance pas à pas vers cet objectif en tout cas.
P.A : Comment analyses-tu ta discipline en France ? Penses-tu qu’il faut partir à l’étranger pour progresser ?
A.R : Le dressage en France est en nette progression depuis quelques années ! Nous sommes encore loin des médailles mondiales, mais je pense que le mot « impossible » s’éloigne tranquillement ! Il reste en revanche une marche énorme entre le noyau des cavaliers de dressage professionnels et l’élite. Arriver au plus haut niveau demande d’énormes investissements personnels certes, mais aussi financiers. Partir à l’étranger pour progresser, évidemment c’est bénéfique et cela apporte une expérience unique. Il est important de pouvoir diversifier ces expériences avant de s’installer afin de se familiariser avec plusieurs méthodes que ce soit à cheval ou dans l’organisation des écuries. Il y a toujours des choses à prendre et à laisser : c’est ce qui fera de nous un cavalier unique et bien préparé aux différents problèmes du quotidien ! Être un excellent cavalier n’est pas seulement ce qui permet de se hisser parmi l’élite. C’est ce qui fait un peu la cruauté de notre métier… Il faut également une part de chance, croiser les bonnes personnes et les bons chevaux au bon moment. Il faut réussir à se former une équipe forte en s’entourant des bonnes personnes. Gagner au loto aiderait aussi ! (rire !) J’en suis encore loin pour ma part, même si je pense avoir aujourd’hui des personnes bienveillantes autour de moi et être sur le bon chemin. J’en profite donc pour les remercier : Caroline Poulain, Gabrielle Flament, Larissa Pauluis, mes parents, mes amis bienveillants, mes sponsors et partenaires ainsi que les propriétaires de mes chevaux évidemment sans qui rien de tout ça n’existerait !