Charlotte Charrier : « Je ferai les Jeux olympiques, mais je les ferai pour représenter la France »
Après avoir défendu les couleurs françaises jusqu’à l’international, la dresseuse Charlotte Charrier a décidé de prendre son envol vers les pays Scandinaves, là où elle se perfectionne de jour en jour. Âgée maintenant de 22 ans, la Picarde revient avec nous sur ses années à poney et futurs objectifs.
Poney As : Racontes-nous tes années à poney sous les couleurs de l‘équipe de France ?
Charlotte Charrier : Mad du Bosc (retrouvez sa fiche) est un étalon que j’ai loué dès l’été 2011. Il avait énormément de caractère, mais notre relation était si forte ! La même année, j’ai participé à ma première Tournée des As en As Poney lors du Salon du cheval de Paris que j’ai d’ailleurs gagné ! Puis, au mois de janvier Alizée Froment, la cheffe d’équipe, m’a sélectionnée pour concourir sur un international en Hollande. Au début, je ne me rendais pas vraiment compte que je mettais un pied dans le haut niveau. Je pense être assez humble et finalement ma première réaction a été « Comment ? Moi ? Tu es sûre ? ». Un an plus tard, et après toute une belle saison en Tournée des As et à l’international, j’ai pris part au championnat d’Europe en 2013 à Arezzo, en Italie. C’était incroyable comme concours, comme terrible puisque à la fin de l’événement, Mad est parti rejoindre sa future cavalière. Je me vois encore pleurer sur le parking : je venais de vivre la meilleure expérience de ma vie, mais la relation très spéciale avec ce poney était terminée. Il était temps pour moi de passer à cheval avec ma jument Rendez-vous.
P.A. : Quel est ton plus beau souvenir à poney ?
C.C. : 2013 a été une année forte pour moi, mais le mois de juillet reste le meilleur ! Je venais de dérouler ma reprise sur la carrière d’honneur lors du championnat de France. En sortant, Alizée Froment me dit « c’est bon ! », sauf que je ne comprenais pas. Personne ne te dit c’est bon quand tu sors de piste. À côté d’elle, j’ai vu ma mère en pleurs et Alizée m’a répété : « C’est bon, on y va aux Europe, on y va en Italie ! ». En si peu de temps, ce moment a été rempli d’émotions ! Quand tu commences à mettre un pied dans le haut niveau, tu ne rêves que de ça ! Toute l’année, nous avons l’adrénaline en passant par les sélections des CDIOP et CDIP. Le premier championnat d’Europe de sa vie, on s’en souvient ! J’étais assez jeune, je venais d’avoir mon brevet, je remportais le Trophée des As de Lamotte et me voilà sur la route des championnats d’Europe ! Nous sommes arrivées 5e par équipe, l’équipe des « quatre C » composée de Camille Boireau, Capucine Molliex, Clarissa Stickland et moi-même. Cela faisait 33 ans que les français n’avaient pas fait ce résultat. C’était notre médaille d’or à nous ! D’ailleurs, aucune équipe nationale n’a fait mieux à ce jour. J’en garde de très bons souvenirs !
P.A. : Qu’en est-il de ton passage à cheval ?
C.C. : Lors de ma dernière année à poney, je préparais également ma transition avec ma jument Rendez-vous. J’ai été conviée au stage fédéral dès septembre puis nous avons vu qu’elle avait un bon potentiel : les épreuves Juniors ont débuté. L’année suivante, en 2015, nous avons participé au championnat d’Europe à Vidauban où nous avons réalisé la deuxième meilleure performance française. Puis, nous avons déroulé quelques reprises Jeunes Cavaliers, mais je me suis davantage consacrée à mon BAC.
P.A. : Pourquoi as-tu décidé de partir à l’étranger, en Suède puis en République Tchèque ? Explique-nous !
C.C. : En 2016, j’ai été au CDI de Compiègne, mais je n’y participais pas. J’ai discuté avec un juge international en lui expliquant que j’aimerai partir à l’étranger. Avec son aide, j’ai rencontré le cavalier olympique Suédois Mads Hendeliowitz qui m’a proposé un essai. Après avoir obtenu mon BAC et mon permis, à 18 ans, j’ai embarqué Rendez-vous dans mon camion et je suis partie vers la Suède ! Personne n’y croyait ! J’ai commencé à travailler à Segersta Equestrian qui est son écurie de compétition et de commerce. Dès mon arrivée, je me suis dit : « tout ce que j’ai appris c’est bien, mais maintenant il va falloir se sortir les doigts du cul ». J’ai appris avec une grande équipe, Mads est une personne très à l’écoute avec une patience irréprochable pour l’éducation de ses chevaux, pour les dresser jusqu’au Grand Prix. J’ai eu la chance de pouvoir sortir des équidés en concours en participant à la finale du championnat de Suède tout en passant par des compétitions de niveau Saint-George (équivalent des épreuves Jeunes Cavaliers, ndlr) et Jeunes Chevaux. J’ai appris à partir en concours seule avec deux chevaux dans mon camion le tout dans un pays étranger ! Ma jument Rendez-Vous est décédée, mais en parallèle, je montais Eyecatcher : je la détestais, pourtant Mads était persuadé de notre couple. Finalement, sur ses conseils, elle a rejoint la famille.
J’ai ensuite voulu voir autre chose en choisissant d’aller travailler chez la suédoise Charlotte Haid-bondergaard qui concoure sur le circuit Coupe du monde où je suis restée 8 mois. Depuis juillet dernier, je suis en République Tchèque, près de Prague. J’ai pris mon camion, Eyecatcher et je suis venue dans ce pays inconnu. Actuellement dans les écuries de Dressage Malá Skála du belge Jan Van Geet, ce dresseur a une passion incroyable pour les chevaux et surtout pour les dresser. Ici, chaque cheval doit aller en Grand Prix et ils iront. Je m’explique, le cheval sera dressé avec le temps qu’il faut pour arriver à l’objectif. On ne se dit pas « dans x mois, il faut qu’il participe à tel concours », mais plutôt « il ira en Grand Prix quand il sera prêt à faire une excellente performance ». J’aime beaucoup cette vision. Eyecatcher est une jument qui a encore besoin d’apprendre tout comme moi. Je prends mon temps, ne précipite pas les choses, accepte de ne pas aller en compétitions pendant une longue période. Mais je sais que lorsque j’y irais, ce sera pour gagner. Finalement, c’est pour ça que nous allons en concours, non ? Pour gagner !
P.A. : Ton parcours à poney puis en junior t’a-t-il permis d’en arriver là aujourd’hui ?
C.C. : Oui définitivement ! Je savais que si je ne partais pas de chez moi je ne continuerai pas vraiment à monter à cheval. Aujourd’hui, j’ai ce rêve de haut niveau tout en étant professionnelle. J’ai été à Poney puis en Junior en équipe nationale. Lorsque je suis partie en Suède, ça n’a pas été simple de mettre l’équipe de France Jeunes Cavaliers de côté et donc de tomber dans l’oubli. Mais, partir à l’étranger m’a permis de savoir ce que je souhaite réellement : faire les Jeux olympiques et honorer la France. Mes objectifs sont clairs ! Les cavaliers avec qui je travaille le savent : ils mettent tout en œuvre pour que j’y arrive. Ici, j’ai des leçons tous les jours, ils me transmettent tout leur savoir. Tous mes sacrifices payeront et je vais revenir plus forte, utiliser tout ce dont j’ai appris, et porter haut les couleurs de mon pays en Dressage. Je serai capable de dire : « oui, je suis partie à l’étranger mais je suis fidèle » ! Depuis toute petite, je répète : « un jour je ferai les Jeux Olympiques, mais je les ferai bien pour représenter la France ».