Le petit monde du poney a perdu sa légende. Dexter Leam Pondi est mort ce vendredi 10 novembre à l’âge de 32 ans, a annoncé Alice Chambaud, sa cavalière et propriétaire. Depuis, les hommages pleuvent sur les réseaux sociaux. Par son génie – Dexter était doté d’un style bien à lui, peu classique -, son charisme, ses performances, son caractère bien trempé, il était devenu, depuis les années 2000 et ses incroyables prestations sur les terrains de jumping, l’un des poneys français les plus célèbres (si ce n’est le plus célèbre), même en dehors de nos frontières.
Depuis plusieurs années, l’étalon coulait une paisible retraite au haras de la Bouloye (62). Le stud-book du poney Connemara perd son plus illustre ambassadeur français et l’élevage hexagonal l’une de ses plus grandes références.
1994 : premier titre de champion au National Connemara
Dexter, fils de la matrone White Granite (par Marble) et du très bon sauteur Leam Finnigan, est né dans le Morbihan, en plein cœur de la Bretagne, à Neulliac, tout près de Pontivy, petite ville située à la jonction des deux principaux canaux du centre Bretagne : le canal du Blavet et le canal de Nantes à Brest. Propre frère de Banquise Pondi (Grand Prix de CSIP) et frère utérin, entre autres, des étalons Apollon Pondy et Cyrano Pondi, ayant eux aussi sauté de belles barres en compétition, Simoun de Ravary (classé en Grand Prix de Dressage) et Vizir du Ruère (gagnant en Grand Prix de CCE), il est et restera le porte-flambeau de son éleveur passionné Gilles le Mouellic, un homme simple, sans fioriture, discret de nature et fondateur du célèbre élevage « Pondi » (un affixe tout trouvé puisqu’il signifie Pontivy en langue bretonne).
« Au National de 1994, il y avait 247 poneys et les juges étaient anglaises. Il y avait vraiment eu « flashing » dès l’apparition de Dexter et ma fille sur le ring. Un film avait aussi été réalisé par Laurent Després (FR3). J’ai retrouvé la cassette où, bien sûr, Dexter était omniprésent, mais aussi White Granite et son frère utérin Apollon. Les descendants de White Granite avaient raflé tous les prix ! Plus que les médailles aux championnats de France ou d’Europe, et les coupes, ce National Connemara a certainement été l’évènement le plus fort de ma carrière d’éleveur », nous confiait Gilles Le Mouellic, il y a quelques années.
Dexter, 3 ans, avait fait l’unanimité auprès des éleveurs, des juges et du public présents. Il y remportait le titre de champion suprême de la race Connemara, sa première grande victoire. C’est d’ailleurs sur le rendez-vous poitevin, très suivi à l’époque, que mes yeux se posèrent pour la première fois sur celui que l’on nommera plus tard l’ange blanc, le Milton des poneys ou le magicien.
Une dizaine d’années plus tard, en 2003, après son titre de champion de France et ses excellentes prestations à Necarne Castle, Dexter a reçu une belle distinction : le titre de « cheval Hermès » dans la catégorie des sports équestres (jamais un poney n’avait obtenu cette récompense). Quelques mois auparavant, il faisait la une du magazine L’Eperon qui l’avait choisi pour sa couverture (fait rare à l’époque que de choisir un poney, preuve de la star qu’il était). Plus que tout, il était beau d’observer les enfants (et adultes) s’approcher de lui pour le caresser ou se faire photographier en sa compagnie. « C’est Dexter ! ». Français et étrangers, néophytes comme spécialistes, tous étaient tombés sous le charme de la coqueluche. Pourtant, pour ses cavaliers et entraineurs, la route a été semée de petites embuches. Outre son génie et son charisme, Dexter, avait avant tout une personnalité hors du commun, observée dès son plus jeune âge par son éleveur morbihannais : « A 3 ans, Dexter n’hésitait pas à sauter sa clôture en bois placée à plus d’1,70 m lorsqu’il voulait retrouver ses congénères ! ». Un caractère bien trempé, « très intelligent et joueur, mais surtout très sûr de lui », précisait son éleveur. Et peu conciliant parfois à l’instar de ses bouderies avant de sauter le numéro 1 lors du CSIP de Chartres Poneys Masters (à deux doigts d’être éliminé – le chronomètre tournait après le départ qui lui avait été donné – il passa la ligne d’arrivée sans faute, en faisant une démonstration…) ou encore lors du CSIP de Courlans où il s’était montré rétif. Anna Chambaud, la grande sœur d’Alice, était alors sa cavalière. Avec elle, Dexter a abordé ses premiers Grand Prix Poneys. Alice en a récolté les fruits par la suite.
Ses coquineries passées (ou presque), Dexter a confirmé sa régularité au plus haut niveau international. En 2003 et 2006, respectivement monté par Alice Chambaud et l’Italien Filippo Bologni, il a frôlé l’exploit aux championnats d’Europe.
Dexter, le rebelle au grand cœur
Dexter Leam Pondi a débuté la compétition à 5 ans avec un ami cavalier de son éleveur puis est passé entre les mains du cavalier professionnel Laurent Le Vot. L’étalon Connemara a évolué avec son jeune garçon, Yoann, sur des épreuves de catégorie D chevaux (la 4e catégorie à l’époque, il se classera d’ailleurs 3e du championnat de France Minimes en 1998) et C2, sans le contraindre, tout en abordant les belles barres des épreuves B2 Open avec Alice Romano. Marc Hardy, entraîneur renommé basé à l’époque au Touquet, le repère pour son élève Anna Chambaud. L’étalon quitte sa Bretagne natale en 1999 pour rejoindre le Nord-Pas-de-Calais.
Catherine et Loïc Chambaud, les parents d’Anna et Alice, ont décidé de le louer 2 ans. Anna, 16 ans, l’a monté en compétition durant une saison. Elle connaitra succès et déboires, Dexter pouvant se montrer facétieux, comme à Courlans notamment puis aux championnats de France Grand Prix (où il a même sauté un obstacle à l’envers !). Ce côté rebelle va devenir sa marque de fabrique : l’étalon ne supporte pas d’être contraint, il ne se soumet pas.
Marc Hardy l’a travaillé et monté sur des épreuves B et A3 / A4 Open (il le sortira d’ailleurs sur quelques épreuves chevaux pendant plusieurs saisons). En 2000, les rênes du prometteur poney sont confiées à Hélène Grebent-Sellier, 13 ans, élève du coach du Touquet. Quelques jours après son association, le duo se classe 6e du Grand Prix de Mulhouse, puis 2e du Grand Prix du CSIP de Friedrichshafen en Allemagne. Il sera opérationnel tout au long de la saison, le couple bouclant son championnat de France Grand Prix Elite avec une huitième place à son actif. Dexter impressionne…
Alice, la petite sœur d’Anna, le récupère en 2001. « Alice, qui avait 11 ans, l’a monté fin 2001, après quelques mois passé sous la selle de Marc Hardy. Dexter était toujours loué à cette époque. Nous avons parlé de le vendre lorsqu’Alice a terminé 4e à Auvers. Puis, après sa victoire dans la Coupe des Nations de Vérone, les Chambaud l’ont acheté », poursuivait Gilles Le Mouellic.
Avec Alice, Dexter est sacré champion de France Grand Prix Elite en 2003 (médaillé d’argent en 2005, 5e en 2004). L’édition 2003 demeure à jamais son plus glorieux moment à Lamotte-Beuvron. Cette année-là, à 12 ans, il fut en pleine possession de ses moyens et mit son costume de chef d’orchestre pour guider magistralement sa jeune amazone. Il obtient aussi deux médailles par équipe aux championnats d’Europe (en argent en 2002 à Lanaken, en bronze en 2004 à Jaszkowo). Pour la dernière année d’Alice sur le circuit, Dexter rejoint les Ecuries de Solgne de Marcel Delestre (le père de Simon), entraîneur de l’équipe de France Poney, et côtoie les illustres Black Devil et Chaveta II, avec qui la lutte, sur le plan sportif, est rude. Dexter, l’ange blanc contre Black Devil, le génial petit cheval noir ! Le tandem participera à ses quatrièmes championnats d’Europe, à Pratoni del Vivaro.
La famille Chambaud ne sera pas la seule à contribuer à la légende de Dexter. Après cette échéance, Arnaldo Bologni, cavalier international de l’équipe d’Italie, qui cherche alors un poney pour son fils Filippo, le loue deux saisons. Dexter et Filippo remporteront ensemble cinq victoires en Grand Prix de CSIP, un titre de champion d’Italie et surtout une septième place ex-aequo dans la finale individuelle des championnats d’Europe de Saumur en 2006. L’échéance européenne de 2007 marquera la fin de sa carrière sportive pour cause de blessure. Le couple avait pourtant remporté la première qualificative, tout comme Alice qui, elle, avait décroché les deux premières en 2003…
Hors-norme
Connu par tous et très attendu, lorsque Dexter Leam Pondi entrait en piste, le silence régnait. Le temps semblait s’arrêter. Avant de s’élancer, il regardait son public. Ses petits pilotes lui laissaient une longueur de rênes car il aimait galoper (la tête en bas la plupart du temps), mais surtout être libre dans la bouche. Dans les combinaisons – où les abords pouvaient être parfois hasardeux – on entendait un public estomaqué crier des « hooo » de stupéfaction. Dexter était le commandant de bord, il aimait prendre les décisions : une foulée de plus ou une foulée de moins pour sauter 1.40 m, de toute façon, il savait s’extraire de toutes les situations délicates. « Il est incroyable ! » pouvait-on entendre. Quelques mètres après avoir franchi le dernier obstacle, il donnait un « coup de cul ». C’était aussi une habitude. Et le public l’ovationnait. Sa beauté, son charisme, sa personnalité, son coup de saut, ont contribué à nourrir sa légende.
Six produits de Dexter aux championnats d’Europe
Dexter Leam Pondi a débuté sa carrière de reproducteur à 4 ans à l’élevage de l’Aulne de Christine et Jean-François Marès (alors président de l’Association Française du Poney Connemara). Malgré le tarif de la saillie, conséquent à l’époque pour un étalon de cet âge, il a été confié à une bonne trentaine de juments. Ses premiers rejetons (la génération des « I ») naitront en 1996 à l’instar d’Ix de l’Aulne (7 participations aux championnats d’Europe), des ponettes de Grand Prix Iena de l’Aulne et Indienne des Genets, de l’étalon Ice And Fire d’Albran (présélectionné pour l’échéance européenne sous les couleurs de la Suède)…
Au total, Dexter compte 741 produits immatriculés en France. Si la locomotion n’est pas le point fort de ses poulains (ni le sien), et que leur taille peut se montrer aléatoire, lorsqu’ils héritent du coup de saut de leur père et d’une bonne tête, ils sont alors de redoutables compétiteurs. Parmi les meilleurs, six ont disputé l’échéance européenne de saut d’obstacles dont les crack Ix (cité précédemment), Vaughann de Vuzit (vice-champion de France As Poney Elite Excellence, champion d’Europe par équipe en 2021 pour la France et en bronze en 2023 sous le drapeau de la Grande-Bretagne), Rexter d’Or (gratifié de cinq médailles dont une en individuel, récemment retraité du sport) et Uhelem de Seille (champion de France As Poney Elite Excellence), les deux derniers étant des étalons approuvés. Cet été encore, lors de l’échéance européenne du Mans, trois produits de Dexter Leam Pondi s’étaient qualifiés pour la finale individuelle de CSO (Rexter, Vaughann et l’étalon Deriveur d’Emia, médaillé d’argent par équipe sous les couleurs de la Suède). Deux autres l’avaient dans leur pedigree en tant que père de mère. Quarante neuf de ses produits sont indicés à plus de 140 et plusieurs figurent dans les séries As Poney Elite et As Poney 1 de notre circuit national de la Tournée des As. Beaucoup sont encore très jeunes et il est certain que d’autres arriveront encore au très haut niveau même si le Syndicat Linaro, qui le distribue, ne compte plus que quelques paillettes.
Son talent s’est mis au service du spectacle : Dexter Leam Pondi a marqué à jamais l’histoire du sport et de l’élevage français. Son héritage ne sera jamais oublié.
Pauline Bernuchon
Extrait du palmarès de Dexter Leam Pondi
Sous la selle d’Anna Chambaud (1999)
– 2e du CSIP de Madrid (Esp)
– 2e du CSIP de Courlans (Fra)
– Finaliste du championnat de France Grand Prix Elite au Haras du Pin
Sous la selle d’Hélène Grebent-Sellier (2000)
– 2e du GP du CSIP de Friedrichshafen (All)
– 1er d’une épreuve du CSIP de Nichelino (Ita)
– 8e du championnat de France Grand Prix Elite à Lamotte-Beuvron
Sous la selle d’Alice Chambaud
2001 – 2002 :
– 4e du GP du CSIP d’Auvers (Fra)
– Double SF de l’épreuve par équipe du CSIOP de Vérone (Ita)
– 2e du GP du CSIP de Corminboeuf (Sui)
– 1er du GP du CSIP de Marsens (Sui)
– Vice-champion d’Europe par équipe (double SF) à Lanaken
2002 – 2003 :
– Classements sur les CSIP de Moorsele (Bel), Corminboeuf (Sui), du Touquet (Fra), Arezzo (Ita), Liège (Bel)…
– 1er du GP du CSIP de Marsens (Sui)
– Champion de France Grand Prix Elite à Lamotte-Beuvron
– 4e par équipe des championnats d’Europe de Necarne Castle (double SF) et vainqueur des deux premières qualificatives pour la finale individuelle
2003- 2004 :
– 3e du GP du CSIP de Bois-le-Roi (Fra)
– 5e du championnat de France Grand Prix Elite à Lamotte-Beuvron
– Médaillé de bronze par équipe aux championnats d’Europe de Jaszkowo (Pol)
– 7e du GP du CSIP de Liège
– 3e du GP du CSIOP de Vérone (Ita) et de la Coupe des nations
2004- 2005 :
– 7e du GP du CSIOP de Moorsele (Bel)
– Vice-champion de France Grand Prix Elite à Lamotte-Beuvron
– Sélectionné pour les championnats d’Europe de Pratoni del Vivaro (Ita)
– 6e du GP du CSIP de Bois-le-Roi (Fra)
– 1er de la Coupe des nations du CSIOP de Vérone (Ita) et 4e du GP
Sous la selle de Filippo Bologni
2005/2006 :
– 1er du GP du CSIP de Cinzano (Ita)
– 1er du GP du CSIOP d’Arezzo (Ita)
– Champion d’Italie de Grand Prix
– 7e ex de la finale individuelle des championnats d’Europe de Saumur (Fra)
2006/2007 :
– 3e du GP du CSIOP de Fontainebleau / BIP (Fra)
– 2e du GP du CSIP de Cogozzo (Ita)
– 1er de la première épreuve qualificative pour la finale individuelle des championnats d’Europe de Freudenberg (All)
