Georges Pegon et la famille Léger : une passion réunie (1/2)
Il y a des poulinières dont la production sort de l’ordinaire. Celle de Quinée, bien qu’assez confidentielle, peut se targuer de deux produits ayant participé aux championnats d’Europe de Concours Complet (en 2005, 2007, 2008 et 2009). Une lignée qui perdure, puisque ses deuxième et troisième générations se démarquent encore aujourd’hui. Voilà de quoi être intrigué…
Partons à la rencontre de Georges Pegon, fondateur de l’élevage Saint’E (aujourd’hui naisseur sous l’affixe « des Martels »), et de la famille Léger, cavaliers de Complet. Entre eux, naissait il y a presque vingt ans une belle histoire de passion et d’amitié. Volet 1 / 2.
Article publié dans le dernier numéro du magazine Poney As.
Par où commencer quand tout est à dire ?
Un jour, Christine et Xavier Léger, dirigeants du Centre Equestre de Cours-les-Barres dans le Cher, sont sollicités par une voisine. « J’ai ce poney-là à vendre, voulez-vous l’essayer ? ». Une histoire plutôt banale à première vue. Ils acceptent et relèvent rapidement chez lui un certain potentiel sportif, sans se douter néanmoins de la suite… Marché conclu : le bai est acheté et sera destiné à leurs filles. Ce bai, c’est Jylland, celui par qui l’histoire a commencé. « Mes parents ont trouvé le nom de l’éleveur de Jylland en consultant son carnet et ont décidé de le contacter », raconte Constance Léger, l’une des filles de Christine et Xavier, 32 ans, installée depuis 2008 sur la structure familiale – qui compte une soixantaine de poneys et chevaux, du Shetland au cheval – où elle est cavalière et enseignante aux côtés de son père.
En 2004, les deux familles font connaissance. Georges Pegon, le fameux éleveur dont parle Constance, qui avait vendu Jylland à 18 mois, en témoigne : « ils m’ont contacté dans un esprit vraiment pas commercial. Ils souhaitaient savoir si j’avais d’autres produits de la souche de Jylland. En fait, ils ont commencé par vanter mon poney avant de me demander si j’en avais d’autres. Cela m’a beaucoup plu. Je les ai considérés dès le départ comme des gens honnêtes. Il faut vraiment les associer à l’élevage ». Voilà qui est dit.
N’ayant plus Myland, le propre frère de Jylland, et sa propre sœur Impatiente devenant trop âgée, M. Pegon décide d’acheter Lollipop de Jax (issue de la même souche, voir plus bas) à Éric Bonnevialle. « Il me l’a vendue, puis je l’ai confiée à la famille Léger en octobre 2004 ». Onze mois plus tard, préparée par Charlotte Léger, la jolie baie remporte la finale du Cycle Libre première année lors de la Grande Semaine de Pompadour. Quelques semaines avant ce titre, Jylland, lui, avait fait sensation aux championnats d’Europe de Complet Juniors sous la selle de Constance, la sœur de Charlotte. Fort, n’est-ce pas ?
« Depuis Lollipop, nous avons continué à collaborer. Près de 90% de mes produits sont partis chez eux. Ils m’ont fait découvrir le Concours Complet », confie M. Pegon. La plupart du temps, « lorsque le poulain (de 3 ans généralement, ndlr) nous plaît, nous l’achetons et Georges garde une petite partie. C’est le côté famille et amitié qui prime, Georges aime beaucoup voir ses poneys en concours », relate Constance Léger.
Quinée, la jument souche de Georges Pegon
Basé à Mazeyrat-d’Allier en Haute-Loire, Georges Pegon fait naître sa première pouliche en 1976, Katia III, fille du Connemara Murrisk, un fonctionnaire du haras d’Aurillac et d’une ponette sans origines connues nommée Sultane. « A l’époque, nous étions adhérents du syndicat assez dynamique des éleveurs de poneys Connemara de Haute-Loire. L’objectif était de faire naître des poneys pour le sport ou le loisir », indique-t-il. Katia III met au monde son premier poulain en 1981 : Pacha, fils du Connemara Galway de la Dive. Ce petit poney probablement de taille C quitte l’élevage et est repéré. « La personne qui le montait lui trouvant de la qualité, elle m’avait contacté au début des années 90. A cette époque, face à des difficultés de commercialisation des poneys, l’élevage ne fonctionnait quasiment plus depuis une dizaine d’années je pense… ». Toutefois, « des opportunités ont fait que je me suis rééquipé d’une nouvelle souche avec laquelle j’ai eu un peu plus de chances. L’élevage a aussi été, bien sûr, une histoire de rencontres », précise-t-il. M. Pegon le relance en achetant une poulinière Poney Français de Selle baie toisant un bon mètre 45, trapue, un peu longue dans le dos : la dénommée Quinée.
Quinée, née en 1982, était une fille de l’Arabe Finko (lui-même issu du croisement entre le Polonais Arbor et une jument par Saint Laurent, connu dans le milieu des courses), indicé en saut d’obstacles, mais dont la production est restée très confidentielle (73 poulains enregistrés). Elle fut le seul produit de sa mère, la New Forest Mitsy du Trieves (par Tomatin Brushwood). A trois ou quatre exceptions près, cette souche maternelle très réduite ne fait pas apparaître de performers en sport. Mais avec sa petite production (seulement cinq produits), Quinée a ouvert la voie…
Trois poulains de Quinée sont nés chez Georges Pegon : Impatiente, née en 1996, sortie en CSO, puis Jylland et Myland. « Myland était probablement le plus doué… Il avait reçu 19 ou 19,5 au saut en liberté à 3 ans à Lamotte, il passait les chandeliers ! », se rappelle Georges Pegon. Quinée s’est néanmoins assurée une pérennité par ses filles, Impatiente, donc, et Lollipop de Jax, née en 1999 pour le compte de l’élevage de Jax situé à une dizaine de kilomètres de l’exploitation de Georges Pegon. Ce dernier avait en effet prêté Quinée à son voisin Éric Bonnevialle, qui, lui, possédait l’étalon Connemara Pompom de Jax (Galway de la Dive x Lambay Bobby). Ces quatre produits de Quinée sont d’ailleurs des filles et fils de ce Connemara plutôt typé et costaud. Georges Pegon n’a jamais eu d’étalon « maison », il confiait ses juments aux étalons du Haras d’Aurillac ou les emmenait à l’élevage de Jax. « Éric avait conservé Lollipop car il pensait qu’un jour j’allais la lui racheter, et il a bien fait ! », plaisante-il.
Quinée a véritablement ragaillardi l’élevage de Georges Pegon. « C’était une jument vraiment trempée, compliquée mais exceptionnelle, avec un cœur énorme ».
La percée de Jylland et Lollipop
Gratifié d’une médaille d’or aux championnats de France Amateurs de Tartas en 2004, nul besoin de préciser que Jylland a connu de beaux succès en compétition sous la selle de Charlotte Léger, avant que Constance ne prenne le relais. « En 2005, je me suis qualifiée avec lui pour les championnats d’Europe Juniors. Il était extraordinaire ! », se souvient Constance. L’échéance saumuroise s’est soldée par une 14e place en individuelle : une performance très honorable, surtout lorsqu’il s’agit de la courir avec un poney (fait extrêmement rare !). Cette même année, Lollipop a remporté la finale du Cycle Libre première année sous la selle de Charlotte. Elle atteindra avec succès les épreuves 3A et 2B.
En lice jusque-là parmi les chevaux, les deux cracks de CCE ont ensuite été propulsés sur le circuit Poney. Et évidemment, il se sont fait remarquer ! Vendu, Jylland est devenu l’un des piliers de l’équipe d’Italie. D’abord sous la selle de Domiziana Cardinali (classé sur les CCIP d’Avenches, Cameri Novara et San Lazzaro di Savena), il décroche deux médailles de bronze par équipe aux championnats d’Europe de Freudenberg (Allemagne) et Avenches (Suisse) en 2007 et 2008, avant d’être associé une saison à Federico Ranieri et Vanessa Porzi, toujours pour l’équipe d’Italie. « Il semblerait qu’il soit parti ensuite en Irlande ou en Ecosse. Dans tous les cas, je n’ai plus eu de nouvelles. Ce n’était pas très pratique de suivre les résultats des poneys à l’étranger, il y a dix ou douze ans ».
Après son départ du Centre Equestre de Cours-les-Barres, Lollipop a fait son apparition sur le circuit Grand Prix. Confiée à Marie Geiger, elle obtient une sélection pour les championnats d’Europe de Moorsele en 2009 après seulement un an d’association. « J’avais fait la rencontre des parents de Marie et de sa sœur (Camille, elle aussi sélectionnée pour les championnats d’Europe Poneys en 2007 et 2008) sur le CCI4* de Pau. Je m’étais présenté à eux, je crois que nous avions tous apprécié de faire connaissance », se rappelle Georges Pegon. Gabrielle Goret récupère Lollipop après l’échéance européenne et termine notamment 4e du championnat de France D1 Cadet, puis 8e l’année d’après en D Elite. « Lorsque Gabrielle est passée à cheval, j’ai récupéré Lollipop en tant que poulinière. Malgré tout, pendant ce temps, sa propre sœur, Impatiente, produisait à l’élevage… », poursuit-il.
De « Saint’E » aux « Martels », en passant par le Centre Equestre de Cours-les-Barres
Georges Pegon s’est lancé dans l’élevage de poneys sans affixe, comme bon nombre d’éleveurs à l’époque. Il a ensuite utilisé « Saint’E » (à prononcer « e »), soit le diminutif de Saint-Eble (le bourg), puis « des Martels », l’affixe de son père qui a fait naître quelques chevaux de selle avec une base Anglo-Arabe.
Deuxième volet à découvrir demain… ou dans le magazine Poney As que vous pouvez commander (demande par mail : contact@poney-as.com)