Lou Ann Beraud : « La compétition à poney a été la meilleure façon pour moi de grandir »
Peux-tu nous raconter tes débuts à poney ?
J’ai commencé vers quatre ou cinq ans. Mes sœurs montaient à cheval dans un centre équestre et je les accompagnais. Mes parents ne sont pas du tout cavaliers mais ont toujours eu des chevaux, je les ai donc toujours côtoyés. Aujourd’hui encore, nous avons mon ancien poney au pré et un poulain issu de l’ancienne jument de ma sœur.
Quand as-tu débuté la compétition ?
J’ai fait mes premiers concours à sept ans, avec des poneys de club. Puis j’ai eu mon premier poney en location à huit ans, Pheia d’Hurl’Vent, avec lequel j’ai tourné jusqu’en Poney 1. Je n’étais pas très douée je crois [rires], ça ne marchait pas toujours très bien avec lui ! Je l’ai monté deux saisons, puis en 2016 nous avons acheté mon premier poney, Kollin van Orchid’s. C’est un poney qui m’a beaucoup appris. J’ai commencé avec lui les épreuves Poney Élite et les As 2. Il me sauvait beaucoup, j’ai souvent gagné avec lui. Aujourd’hui, il est en retraite chez moi.
Comment as-tu rencontré Ungaro ?
J’ai rencontré Ungaro en fin d’année 2017. Cela s’est fait par hasard, c’est mon père qui l’a repéré sur un concours et qui a eu le coup de cœur. On ne cherchait pas particulièrement de poney à ce moment-là et nous n’avions pas l’objectif particulier de faire des Grands Prix et des internationaux ! Rien n’était prémédité. Ungaro faisait déjà des Grands Prix avec Noémie Xhemal. Je suis allée l’essayer et cela s’est très bien passé, il était super gentil. Après l’essai, il a fait un dernier concours avec sa cavalière puis il est arrivé chez nous en fin d’année.
Peux-tu nous raconter tes débuts avec lui ?
C’était un poney de Grand Prix et il n’était pas forcément simple à monter. Il avait beaucoup de force pour moi, je n’avais que 10 ans ! J’étais petite et je ne contrôlais pas toujours tout. Il faisait ce que je lui demandais, il était gentil et très à l’écoute mais il avait quand même son caractère. Parfois il faisait des farces ! Il n’aimait pas trop croiser les autres poneys et faisait demi-tour, donc, comme j’étais petite, je tombais facilement. Maintenant, je me méfie un peu plus donc ça va mieux, il ne le fait plus.
Et en concours ?
Nous avons commencé les concours en janvier 2018 en Poney Élite, c’était donc facile pour lui. Il n’avait pas besoin de faire d’efforts ! Régulièrement sans faute, nous avons débuté les As 2 en mars et ça s’est bien passé tout de suite. Nous nous sommes qualifiés pour le championnat de France, mais, pour des raisons familiales (remise de diplômes de ma sœur), nous n’y avons pas participé. La saison suivante, nous avons repris en As 2, puis j’ai fait ma première As 1 au mois de septembre lors de la TDA du Grand Lac et j’ai gagné les deux As 1 à Barbizon en octobre. Je m’en souviens bien car nous avons affiché les photos de ce concours à la maison ! Je suis aussi classée 5e les deux jours à Equita Lyon.
Te souviens-tu de ton premier Grand Prix ?
Oui, c’était à Mâcon, je suis tombée le premier jour ! Ce n’était pas une grosse chute, je me suis trompée de distance et je suis tombée sur mes pieds. Le lendemain, je fais une barre sur le 1 et une barre sur le dernier. C’était un rêve pour moi de participer à l’As Élite, mais c’était quand même impressionnant. Pour ma deuxième As Élite, à Bourg-en-Bresse, je suis 2e de la vitesse et 2e du Grand Prix. J’ai ensuite poursuivi toute la saison en As Élite, je gagne notamment le Grand Prix de la Super As de Nîmes Centaure. C’était ma première victoire à ce niveau, j’étais très contente.
Puis arrivent 2020 et 2021, les deux confinements, comment les as-tu vécus ?
Cette période a été compliquée, je n’ai pas pu monter pendant plusieurs semaines puisque je ne pouvais pas aller au club. Nous avons repris les concours en juillet 2020 et j’ai participé à mon premier Grand Prix As Excellence à Vichy. Pendant le deuxième confinement, en 2021, nous avons acheté Bamba du Verron pour épauler Ungaro. C’est une ponette très différente mais je l’ai tout de suite bien aimée : une vraie jument, avec son côté un peu princesse ! En piste, elle était concentrée et n’avait pas de saute d’humeur. Elle était guerrière et donnait tout pour réussir. Elle avait un grand cœur et aimait bien aller vite et jouer le barrage (Bamba a été vendue récemment à une jeune cavalière, ndlr).
2022 a été une très belle année pour toi !
Oui ! J’ai gagné plusieurs Grands Prix As Excellence et participé à mon premier CSIOP avec Ungaro à Opglabbeek. C’est d’ailleurs l’un de mes meilleurs souvenirs, c’était ma première sélection et le concours était super bien. J’étais avec Gaétane [Orhant], Lana [Messina], Emma [Gay Le Breton] et Nohlan [Vallat]. Il y avait une super ambiance ! Ensuite, j’ai participé au BIP. C’est l’un des CSIOP que je voulais le plus faire, parce que c’est en France et que j’en avais beaucoup entendu parler. La compétition s’est très bien passée, c’est un très beau souvenir là encore. Je participe aussi au CSIOP d’Hagen. J’en garde de bons souvenirs, même si les parcours étaient compliqués. Aux championnats de France As Excellence, je suis la seule double sans-faute à l’issue des deux premiers jours. En finale, je fais une faute en première manche et deux fautes en deuxième manche, je termine 2e. Je ne savais pas encore que j’étais sélectionnée pour les championnats d’Europe, mais je l’espérais ! Je l’ai appris à la fin de mes épreuves.
Comment as-tu réagi à l’annonce de ta sélection ?
Comme un enfant qui vient de réaliser son rêve ! J’étais super contente ! Ce sont mes coachs qui me l’ont dit, ils étaient super contents eux aussi. Mes parents, qui avaient appris la nouvelle un peu avant moi, étaient très heureux.
Que retiens-tu de Strzegom ?
Tout s’est très bien passé sur tous les plans ! Ma seule faute, c’est le pied dans la rivière pendant la Coupe, sinon Ungaro n’a pas touché une seule barre. Nous finissons vice-champions d’Europe par équipes et 4e en individuel. J’étais vraiment contente ! J’avais espéré faire un podium mais je n’étais pas loin.
Cette saison se passe encore plutôt bien pour toi, tu nous racontes ?
Mon meilleur souvenir est la Super As de Jardy où je gagne avec mes deux poneys : l’Excellence avec Ungaro et l’As Élite avec Bamba. Je garde aussi un très bon souvenir du Grand Prix CSIOP de Compiègne, où je suis 3e. Je suis d’autant plus contente de ce résultat que ce Grand Prix-là n’était pas facile. Je viens aussi de faire le CSIOP de Zuidwolde aux Pays-Bas et c’était vraiment bien ! C’est un des plus beaux concours que j’ai faits. Le Grand Prix était difficile aussi, il a provoqué beaucoup de fautes, notamment sur la combinaison placée en dernier. Dans la Coupe des nations, je cumule deux fois quatre points, et dans le Grand Prix, je termine avec trois fautes. Ce n’était pas de grosses fautes, juste des réglages à travailler. Je suis contente d’Ungaro qui a bien sauté sur un parcours qui était sélectif.
Quels sont tes objectifs pour la fin de saison ?
Mon objectif est de faire une bonne performance à Lamotte lors des championnats de France. C’est vraiment ce que j’aimerais faire le plus. Et ensuite, on verra si je suis retenue pour les championnats d’Europe, nous n’avons pas encore les sélections (l’interview a eu lieu début juin, ndlr). D’ici là, nous allons nous préparer et beaucoup travailler le cardio pour amener Ungaro dans les meilleures conditions.
Tu auras 17 ans l’année prochaine, qu’as-tu prévu pour la suite ?
Trouver un cheval et pouvoir faire de la compétition tout en continuant avec Ungaro, que je vais de toute façon garder. C’est le poney de ma vie, il restera chez moi ! Concernant les épreuves à cheval, je verrai bien, je ne me mets pas la pression, je prends les choses étape par étape.
D’une façon plus générale, comment envisages-tu ton avenir ? Souhaites-tu faire de ta passion ton métier ?
J’aimerais bien devenir vétérinaire et continuer de monter à cheval, mais pas pour en faire mon métier, juste pour que cela reste un loisir. Les études pour devenir vétérinaire sont longues et demandent beaucoup de travail, donc je sais que cela sera compliqué de gérer les deux. Après, je ne sais pas encore si je me spécialiserai en tant que vétérinaire équin, je ne suis pas encore décidée !
Avec le recul, quel est ton avis sur le circuit poney ?
Je pense que la compétition à poney a été la meilleure façon pour moi de grandir. Cela m’a appris beaucoup de choses, et pas seulement sur le plan du poney. Partir tous les week-ends, découvrir de nouveaux endroits, voir mes copines qui ne vivent pas forcément à côté de chez moi… Tout ça était super ! Et puis, quand on fait de la compétition, on apprend de ses erreurs et on travaille beaucoup pour progresser. Cela nous apprend à ne jamais abandonner, et que si on travaille on y arrivera un jour.
Comment parviens-tu à gérer la compétition et le lycée ? Comment es-tu organisée ?
Je vais aux écuries tous les jours après l’école, et si je ne peux pas y aller c’est le cavalier des écuries qui s’occupe des poneys. Une fois rentrée à la maison, je travaille et je fais mes devoirs. J’essaye aussi de m’avancer un maximum quand j’ai des heures de permanence au lycée. C’est parfois difficile, mais ce n’est pas impossible, il faut s’organiser. Cette année a quand même été un peu compliquée. J’ai souvent manqué les cours, notamment à cause des CSIOP. Par exemple, au mois de mai, entre les vacances, les jours fériés et les compétitions, je ne suis allée qu’une journée au lycée. Malgré cela, j’arrive à suivre et j’ai une assez bonne moyenne. Je fais en sorte de travailler quand je pars en concours et de récupérer mes leçons.
Avant de conclure, si on te dit Patrick Vallat et Emmanuelle Arnone, tu réponds quoi ?
Ce sont mes coachs depuis 2018 ! J’adore travailler avec eux, nous nous entendons super bien ! Ils sont toujours là pour moi. Ils trouvent toujours des solutions pour nous faire progresser. Ils sont toujours gentils et ne crient jamais mais nous expliquent comment faire pour que cela aille mieux. Je leur dois tout !
Merci Lou Ann, nous te laissons le petit mot de la fin…
Merci beaucoup ! Et surtout merci à mes parents qui sont toujours présents pour moi, qui m’accompagnent en concours, et merci à mes coachs.
Propos recueillis par Sandrine Febvet
L’interview a eu lieu début juin. Depuis, Lou Ann et son complice ont remporté les championnats de France Grand Prix As Excellence ! Ils sont également sélectionnés pour les championnats d’Europe du Mans qui se disputeront la semaine prochaine.
Ofanny, la grand-mère d’Ungaro of Qofanny !
La grise Ofanny, fille de l’étalon Arabe Chéri Bibi, a elle aussi marqué de son empreinte l’équipe de France de saut d’obstacles des années 80 et début 90. Avec Kristel Ribes, l’excellente grise a même été sacrée championne d’Europe par équipes en 1987 à Saumur (sous l’ère de Roger Bost, un souvenir à retrouver dans le dernier magazine Poney As) ou encore 9e ex aequo de la finale individuelle d’Hasselt en 1993 sous la selle de Valérie Delachaux.
Le nom d’Ofanny résonne encore aujourd’hui puisqu’elle est la grand-mère maternelle du vice-champion d’Europe par équipes de 2022, Ungaro of Qofanny (par Linaro), classé également 4e en individuel sous la selle de Lou Ann Beraud !