Maé Rinaldi : « c’est la première fois que j’ai pleuré de bonheur ! »
Maé Rinaldi, rentrée dimanche du stage fédéral de Lamotte-Beuvron, va reprendre la compétition avec son étalon Boston du Verdon ce week-end, lors de la Super As de Fontainebleau (où 30 couples sont attendus !). La talentueuse cavalière revient avec nous sur ses championnats d’Europe de Strzegom : une folle aventure sportive traduite par le succès, la domination. Deux médailles d’or, rien que ça ! Son objectif initial.
Poney As : Comment analyses-tu tes championnats de France programmés quelques semaines avant l’échéance européenne ? Était-ce une bonne préparation pour celle-ci ?
Maé Rinaldi : Le dernier concours avant le championnat d’Europe était le championnat de France aux Bouleries au Mans, j’étais ravie de concourir là-bas. Le cross aménagé cette année est très intéressant avec ses deux gués et les pistes sont de bonnes qualités. Boston a déroulé une reprise de dressage correcte, mais avec une faute au pas, nous plaçant deuxième derrière Virtuose et Chloé. Sur le cross, nous prenons une seconde de retard car mon chrono ne s’était pas déclenché. Le parcours me paraissait plus simple que celui de Pompadour que nous avions couru le mois précédent. Hormis le gros saut sur le contre haut du gué, le parcours s’est passé sans difficulté. Sur le CSO, je le précède très fort sur l’avant dernier et nous sommes médaillés de bronze.
PA : A l’issue de cette compétition au Mans, le sélectionneur national Emmanuel Quittet a annoncé sa sélection pour les championnats d’Europe. Dans quel état d’esprit es-tu partie en Pologne ?
MR : Cette sélection pour le championnat d’Europe était l’aboutissement de nos deux années de préparation. J’étais tellement déçue qu’en 2020 il n’y ait pas de championnat suite à la crise sanitaire ! Mon rêve se réalisait enfin ! Impatiente de vivre cette aventure avec mes cinq coéquipiers Zoé Ballot, Valentin Quittet Eslan, Mathieu Cuomo, Ambroise Maindru et Côme Breuil !
PA : Avant l’échéance européenne, le staff fédéral organise un regroupement, un stage préparatoire avec tous les cavaliers sélectionnés. Comment s’est déroulée cette préparation à cheval, avec tes coéquipiers et Emmanuel Quittet ? Avez-vous fait d’autres activités diverses à pied, celles qui soudent une équipe avant la « bataille » ?
MR : À la veille du voyage pour la Pologne, nous avons profité d’un stage de trois jours à Compiègne avec Emmanuel Quittet. Ce stage m’a été très bénéfique. En plus de souder notre équipe, nous avons déroulé la reprise de dressage sous l’œil avisé de la juge internationale Laure Eslan qui nous a donné des axes d’amélioration afin d’obtenir de meilleures notes sur le rectangle. Emmanuel a insisté sur le travail au galop où je pouvais aller chercher des points dans les développements d’allure. À l’obstacle, l’intervention de Pascal Henry a permis de mettre l’accent sur les fondamentaux. Et Emmanuel Quittet et Martin Denisot nous ont fait des points sur le déroulement du championnat. Ces trois jours à Compiègne nous ont également permis de mieux nous connaitre. Le dimanche, alors que les poneys faisaient la route avec nos parents vers la première halte en Allemagne, nous avons passé la journée avec Emmanuel afin d’améliorer la cohésion d’équipe. Le matin, c’était escape game et l’après-midi parc d’attraction avant de prendre l’avion le soir pour la Pologne. Cette journée nous a permis d’arriver en grand forme à Strzegom !
PA : Partais-tu avec cet objectif de gagner les deux médailles d’or ?
MR : Tous les cavaliers rêvent d’être champions d’Europe ! C’était aussi dans ma tête. Boston et moi nous connaissons par cœur ! Cela fait cinq ans que je le monte dont trois ans en CCE et il a prouvé sa régularité en nous plaçant systématiquement dans les trois premiers. Emmanuel Quittet nous a conforté en annonçant notre équipe très performante. Il croyait à ces médailles d’or !
PA : Que retiens-tu de ton dressage ?
MR : Le matin du dressage, nous nous sommes réveillés extrêmement tôt car l’hôtel se trouvait à 30 minutes du terrain et nous voulions participer à l’acclimatation au rectangle de 7h00 à 7h30. Boston est rarement perturbé par les éléments extérieurs c’est pourquoi j’étais extrêmement confiante avant cette épreuve. Mes premières sensations au paddock ont rapidement confirmé que je pouvais atteindre une bonne moyenne sur cette épreuve. Boston s’est avéré extrêmement disponible et connecté à mes aides. A proximité du rectangle, un écran géant affichait la moyenne au fur et à mesure des mouvements de la reprise. J’essayais de ne pas le regarder afin de rester concentrée mais à la fin, c’est avec plaisir que j’ai lu la note de 76,8% !
PA : Est-ce que ces championnats d’Europe t’ont paru difficiles ou au contraire abordables ? Les difficultés techniques du cross notamment avaient-elle été toutes rencontrées lors des TDA ?
MR : Le cross des championnats ne m’a pas paru si compliqué, hormis la distance plus longue et la vitesse plus rapide qu’en France (520m/min au lieu de 500m/min). Le stress de la semaine dû à l’enjeu vient également rajouter une difficulté supplémentaire. Concernant la technicité, la Tournée des As prépare très bien à ces échéances. Tous les profils d’obstacles, tous les types de combinaisons sont abordés en France. J’étais très confiante car Boston avait extrêmement bien couru Pompadour qui était un Grand Prix difficile.
PA : Après un super cross, tu as passé la ligne d’arrivée épuisée. Nous ne t’avions jamais vu comme ça. Que s’est-il passé exactement ?
MR : Effectivement, j’étais épuisée à l’arrivée du cross. J’ai mal géré la chaleur, le stress et ma respiration. Je pense que je ne me suis pas assez hydratée et surtout j’ai eu de fortes crampes à la main droite à partir du milieu du parcours. Cela m’a contraint à prendre deux rênes dans une main à plusieurs reprises pour tenter d’ôter la douleur.
PA : Quel était le plan de l’équipe ou les consignes données à chacun avant le cross ? Est-ce que le plan de base a été respecté ou y a-t-il eu des petits changements en interne ?
MR : A l’issue de la première visite vétérinaire du mercredi soir, Emmanuel Quittet a annoncé la composition de l’équipe ainsi que l’ordre de départ. Lors du stage de Compiègne, il nous avait expliqué la stratégie qu’il souhaitait mettre en place pour être performant. Le premier d’entre nous qui s’élancerait au dressage devait être un crosseur, c’est-à-dire un couple qui était capable de rentrer sans faute dans le temps et de donner des informations aux autres cavaliers. Il était évident que ce serait Valentin Quittet Eslan et son poney Winnetou qui assureraient ce rôle. Le poney avait déjà couru trois championnats d’Europe et rentrait toujours sans incident de cette épreuve. L’épreuve de cross débutait le samedi à 14h00 et mon passage était programmé à 17h00. Nous avons fait quatre reconnaissances du cross avec Emmanuel et une en autonomie le matin même de l’épreuve. Je suis également allée voir une dizaine de partants au début de l’épreuve. J’ai pu suivre Valentin qui a effectué un excellent parcours dans le temps. Les autres nations rencontraient beaucoup de difficultés à boucler ce parcours sans faute et dans le temps. Du coup, au fur et à mesure de l’épreuve, les cavaliers prenaient les options lentes. Emmanuel est resté sur sa tactique de ses reconnaissances : nous devions prendre une seule option lente sur une pointe située dans une descente.
PA : Racontes-nous ta nuit qui a précédé le CSO et la fameuse matinée : très stressée ? Dans ta bulle ? Comment l’as-tu vécue ?
MR : La veille du CSO, en tête après le cross en individuel et par équipe, je réalise que nous pouvons être double médaillés d’or. Pour me concentrer et enlever mes courbatures, j’ai d’abord profité d’un bain à bulle qui m’a bien relaxée, puis avec ma maman, nous avons regardé tout le cross sur la chaine YouTube de la FEI. J’ai tout de même bien dormi. Boston est très qualiteux à l’obstacle, cela me permet d’être plus sereine. Je n’ai pas trop eu le temps de stresser avant le CSO, mon plus grand stress se situe pour la visite vétérinaire où Boston peut se révéler très facétieux ! Je me suis facilement mise dans ma bulle avant le parcours, je crois même que le stress m’a aidé à être plus précise et plus exigeante !
PA : Quels sont tes moments forts et marquants de cette semaine à Strzegom ?
MR : Cette semaine est ponctuée en permanence de moments forts, j’ai des souvenirs plein la tête ! Les soirées avec Zoé, Valentin, Mathieu, Ambroise, Côme ! Les repas du midi sous la tente VIP aux premières loges du CSO ! La cérémonie d’ouverture, et surtout l’ambiance à chaque sortie de piste avec le soutien de tout le staff et bien sûr cette émotion inoubliable après mon CSO : c’est la première fois que j’ai pleuré de bonheur ! Je remercie mon fantastique poney, Emmanuel Quittet et tout le staff ainsi que mes parents pour m’avoir permis de croiser sa route et me permettre de le garder à mes côtés.
PA : Tu y ressors double championne d’Europe : y a-t-il pour toi un avant et un après Strzegom ?
MR : Ce double titre de championne d’Europe m’a énormément donné confiance en moi et je me sens plus à l’aise avec tous mes interlocuteurs que ce soit à l’école, dans la vie de tous les jours, au centre équestre. Il a renforcé ma motivation pour préparer d’autres poneys ou chevaux à la compétition. Toutefois, je reste convaincue qu’il faut que je poursuive mes études afin d’assouvir ma passion en parallèle de mes projets professionnels. Ces deux médailles d’or m’ont permis d’intégrer une classe spéciale sport, avec emploi du temps aménagé qui me permet de poursuivre mon entraînement sportif.
Mes partenaires avant les championnats d’Europe, Devoucoux, TdeT et veste MVM continuent à m’accompagner dans mon parcours et aujourd’hui j’ai le plaisir de faire partie de la team Poney As. Je suis également aujourd’hui en contact avec un équipementier de vêtements qui souhaite que je représente sa marque. Cette notoriété facilite également le contact avec les autres cavaliers et entraîneurs.
PA : Peu de temps après l’aventure Strzegom, tu as déménagé avec ta famille en Auvergne Rhône-Alpes. Une nouvelle vie ?
MR : Oui, aujourd’hui mes parents sont gérants des Ecuries de Champlong près de Roanne dans le 42. Nous habitons sur place : je peux profiter de Boston tous les jours. J’ai également le temps de monter d’autres poneys pour les préparer sur le circuit CCE. Après les championnats d’Europe, Anaïs Thibot, la cavalière qui a dressé Boston de ses 4 à 6 ans m’a confié son poney Horion d’Areines pour courir la finale des jeunes chevaux de Concours Complet à Pompadour. Nous avons remporté le titre de champion de France Cycle Libre première année au milieu des chevaux. C’est un vrai poney d’avenir pour le CCE. Maintenant que nous sommes installés dans notre structure, nous cherchons d’autres poneys à valoriser.
PA : Strzegom 2022 (l’organisation des championnats d’Europe Poneys a été signée par le site polonais pour trois 3 ans, ndlr) fait partie de tes objectifs on imagine ?
MR : Oui, je souhaite pouvoir retourner sur d’autres internationaux et aux championnats d’Europe pour remettre mon titre en jeu et le remporter une nouvelle fois !