Retour à la liste d'articles Article du 01/07/2024

Respect, générosité et confiance : la recette d’Éric Louradour

19 août 2016 au Danemark : les cavaliers de la Squadra azzurra brandissent la médaille d’or aux championnats d’Europe de saut d’obstacles d’Aarhus. Une victoire historique, gravée dans la mémoire collective et l’histoire de l’équitation sur poney italienne. À sa tête, un véritable homme de cheval : l’entraîneur français Éric Louradour. Interview.

Disciple de George Morris, cavalier international et formateur de jeunes chevaux, instructeur, organisateur de stages, écrivain… Éric Louradour a également été l’entraîneur national de l’équipe « Jeunes » d’Italie en 2016. Une saison fabuleuse, émaillée de quatre médailles aux championnats d’Europe, dont l’or collectif chez les poneys. Interrogé sur ce souvenir et la construction de son équipe jusqu’à son épopée, il nous a livré « sa recette ». Celle basée sur la sincérité, la générosité et les bases de l’équitation classique. Sur une philosophie aussi : l’humanisme, « car pour moi, une équipe qui n’est pas soudée ne peut pas fonctionner ».

Éric Louradour - ph. Marie Céleste David
Éric Louradour – ph. Marie Céleste David

Qu’est ce qui a déclenché votre nomination au poste d’entraîneur national de l’équipe d’Italie ?
Je vivais déjà dans ce pays dans les années 1990. Quatre de mes élèves avaient, ensemble, représenté l’Italie plusieurs fois en Coupes des nations, deux avaient été champions en Jeunes cavaliers, un dans le championnat militaire, deux autres avaient été vice-champions en Juniors. Tout en faisant travailler des cavaliers olympiques, ces succès dans les catégories « Jeunes » m’avait valu de recevoir, à deux reprises, le titre d’instructeur de l’année. De retour en Italie en 2015, j’ai fait travailler Emanuele Bianchi. Il fut deuxième du Grand Prix de Londres et a participé à la finale du Global Champions Tour, à Doha, à 20 ans (il sera par la suite champion du monde militaire et gagnant du critérium senior). Cette notoriété, assise en Italie, m’a permis d’être approché par l’ancien cavalier Vittorio Orlandi, devenu président de la fédération italienne. C’est ainsi que j’ai été nommé entraîneur à la fin de l’année 2015 des équipes Children, Poneys, Juniors et Jeunes Cavaliers, et ce, pendant un an et demi, jusqu’à l’élection du nouveau président.

D’un travail hivernal complet aux championnats d’Europe, il s’est passé une dizaine de mois. Comment avez-vous procédé pour construire si rapidement ces équipes, et notamment celles des poneys ?
À partir du moment où je me suis engagé dans ce challenge-là, j’ai mis en place des stages, à raison de deux par semaine, dans toutes les régions de l’Italie. En plus des compétitions, je me déplaçais beaucoup. Ils m’ont permis, dans un premier temps, de rapprocher les parents et les enfants. Il y avait énormément de rivalité et beaucoup de jalousie. J’ai voulu d’abord assainir l’ambiance, rapprocher les gens, et être sur le plan humain très proche de tout le monde en expliquant mes décisions. Quand j’ai vu les cavaliers qui étaient susceptibles d’être vraiment compétitifs, je n’ai pas hésité à aller chez eux les faire travailler sur leurs points faibles. Je les ai aussi sensibilisés sur le programme de concours, de travail au quotidien, je les ai aidés dans la gestion totale de leurs chevaux et poneys. Dès le départ, j’avais beaucoup d’enthousiasme ! Mon cercle de cavaliers, à la base assez large, s’est resserré petit à petit, en raison de problèmes physiques de certains poneys ou chevaux, ou parce que certains couples prenaient vraiment le dessus sur les autres. Je me suis rapproché des instructeurs des cavaliers afin que nous soyons tous en accord et unis. C’était un gros travail, mais il a été fantastique ; tout cela s’est révélé très productif.

Camilla Mainardi, Priscilla Pigozzi Garofalo, Sofia Manzetti et Alessandro Orlandi, sur la première marche du podium des championnats d'Europe d'Aarhus Vilhelmsborg, avec leur entraîneur Éric Louradour
Camilla Mainardi, Priscilla Pigozzi Garofalo, Sofia Manzetti et Alessandro Orlandi, sur la première marche du podium des championnats d’Europe d’Aarhus Vilhelmsborg, avec leur entraîneur Éric Louradour

Techniquement, vous disposiez de très bons poneys et de cavaliers au niveau : aviez-vous mis en place un travail spécifique ?
Dans l’équipe Poneys, j’ai eu de la chance dès le départ. L’entraîneur précédent, Gianluca Bormioli, avait fait un excellent travail ! Certains cavaliers avaient déjà des poneys de qualité, ils formaient de très bons couples. Pour moi, ce fut un travail de finition. Lorsque j’ai vu leurs défauts, je suis allé chez eux, hors fédération, je ne demandais rien du tout, je le faisais gracieusement. Mon investissement a, je pense, été fortement apprécié.

Au regard de cette équipe qui se profilait et progressait, vous attendiez-vous à monter sur la première marche du podium ? En somme, cette médaille était-elle attendue ?
On sait ce qu’est le sport, tout peut changer au dernier moment… Mais j’avais conscience d’avoir de bons poneys et pilotes, tout était réuni. Cette médaille n’a pas été une surprise. La chance était aussi avec nous ; tout s’est bien déroulé !

La chance… Il y a eu aussi, cette même saison, les médailles des Children et des Juniors…
Oui, 2016 a été une année extraordinaire car toutes les équipes « Jeunes » d’Italie ont performé. Nous avons obtenu quatre médailles au total ! Ma force, à cette période-là, a été de réunir tout le monde. Le côté humain est pour moi très important dans une équipe, si on n’a pas d’équipe soudée ça ne peut pas fonctionner, surtout avec des enfants. J’utilise des images positives, très simples et parlantes. Beaucoup m’ont d’ailleurs demandé si je faisais de la PNL (programmation neurolinguistique, ndlr). Aux championnats d’Europe des Children, Juniors et Jeunes cavaliers, je me souviens de Marie Pellegrin me disant « mais qu’est-ce que tu leur fais, tu es un gourou ? Je t’entends régulièrement faire des réunions, les gens sont derrière toi ! ». Sur le plan humain et psychologique, j’ai vraiment fait un gros travail de fond qui nous a permis d’être tous très soudés.

L’équipe d’Italie sacrée championne d’Europe à Aarhus - ph. Poney As

Est-ce qu’une histoire marquante à vos yeux, ou une anecdote, ressort de ces championnats d’Europe d’Aarhus ?
J’ai une anecdote amusante. Je leur avais dit : « Lorsqu’on arrivera aux championnats d’Europe, nous serons vraiment prêts ». Avant de partir, on s’est tous retrouvés dans une écurie pour les derniers préparatifs. Je ne leur ai fait faire qu’un petit parcours à 60 centimètres et ils étaient surpris. « C’est ça notre préparation ? », m’ont-ils dit. Ils trouvaient ça trop simple, ils n’en revenaient pas. Mais ils étaient prêts ! Là aussi, j’ai beaucoup misé sur la confiance et la générosité. Pendant le championnat, j’ai très régulièrement fait des réunions avec tout le monde. Je pense que lorsque l’entraîneur est humain, sincère et investi, les jeunes, de plus en plus sensibles, s’en rendent compte et sont alors prêts à donner le maximum. L’esprit d’équipe a été le plus fort dans cette histoire. Le soir, on était tous réunis, on mangeait à l’extérieur tous ensemble sous les toiles de tente, parents et enfants.

Le côté humain est hyper important. Était-il une priorité pour vous, un élément moteur dans la construction de vos équipes ?
Complètement ! Je peux vous raconter une autre histoire, lors des championnats d’Europe Juniors où il est arrivé un incident qui s’est avéré mémorable… J’avais sélectionné un groupe de cavaliers, très potes. En cas de coup dur, je savais qu’ils allaient pouvoir s’entraider, se battre et ainsi accéder à une médaille. L’un des cavaliers est sorti avec deux fautes en première manche et il s’est mis à pleurer, il était complètement abattu. Ce fut un moment très fort pour moi, j’étais ému en le voyant ainsi. J’ai fait une réunion entre les deux manches, avec les cavaliers, les parents et les instructeurs, et leur ai raconté une fable dont ils se souviennent encore…

L’équipe d’Italie sacrée championne d’Europe à Aarhus - ph. Poney AsPouvez-vous nous la raconter ?
C’est l’histoire d’une vieille dame qui vivait dans la campagne, dans un endroit complètement isolé où il n’y avait pas d’eau. Tous les jours, elle prenait une route sinueuse et dangereuse, au milieu des rochers, pour aller chercher son eau à l’aide de deux seaux placés sur le dos de son âne. Un jour, l’un des seaux s’est percé et s’est mis à pleurer. « Pourquoi pleures-tu ? Qu’est ce qui ne va pas ? », lui a demandé la vieille dame. « Je suis percé, j’arrive à la maison sans eau. Je vois bien que je ne te sers plus à rien, il faut me jeter ». Elle lui dit alors : « Mais tu n’as pas fait attention ? J’ai vu depuis bien longtemps que tu étais percé, alors j’ai planté des fleurs de ton côté, et tous les jours, en rentrant du puit, tu les as arrosées. Cette route était vilaine et désagréable, elle est devenue magnifique grâce à toi ! On a tous un rôle dans la vie, et maintenant tu as celui-là ». Pour en revenir à notre réunion, je me rappelle avoir confié à mon cavalier abattu : « Dans la vie, nous avons tous un rôle, ton échec va donner de la force à tes coéquipiers. Vous allez tous vous battre pour gagner cette épreuve. » Ils ont fini vice-champions d’Europe.

Cette médaille d’or à Aarhus fait-elle partie de vos plus beaux souvenirs ?
Je ne vais pas dire cette médaille d’or, mais cette année-là. En tant qu’entraîneur national, ça a été une année très intense avec des souvenirs qui resteront à vie dans ma mémoire. Partager son savoir avec des jeunes générations est pour moi la plus belle chose. De mon côté, j’en ai bavé pour apprendre mon métier, j’ai souvent dû accepter de travailler et de vivre dans des conditions épouvantables pour aller de l’avant, et peu de gens m’ont vraiment tendu la main. Quand on peut aider les jeunes à aller dans la bonne direction, vers la bonne voie, c’est fabuleux.

Avez-vous gardé contact avec certains cavaliers médaillés en 2016 ?
Oui. Hier, justement (l’entretien s’est tenu le lundi de la Pentecôte, le lendemain du CSIOP d’Italie, ndlr), se courrait le CSIO « Jeunes » de Busto. Une maman m’a envoyé un message en me disant qu’ils pensaient à moi, et que j’avais beaucoup apporté sur le plan technique et humain. Ça m’a touché.

Delphine Frey en selle sur Tanagra du Bigot et Éric Louradour en 2001 - ph. Famille Frey
Delphine Frey en selle sur Tanagra du Bigot et Éric Louradour en 2001 – ph. Famille Frey

Nous vous avons vu sur le circuit Grand Prix Poney dans les années 1990/2000 entraîner, avec succès, Delphine Frey, membre de l’équipe de France Poneys. Est-ce l’époque où vous avez découvert les poneys de haut niveau ?
C’est en effet la famille Frey qui m’a introduit dans le milieu du poney, que je ne connaissais pas du tout avant. Ensemble, nous avons fait les championnats de France Grand Prix Élite à Lamotte-Beuvron, Delphine y a terminé troisième, puis les championnats d’Europe. Elle a également gagné le Grand Prix du CSIP de Moorsele. Je me rappelle très bien de sa ponette, Tanagra du Bigot. Le travail de fond avait été magnifique, à la fois techniquement, pour améliorer cette petite jument et la rendre plus facile, mais aussi sur cette jeune fille dont l’évolution et la prise de confiance lui ont permis d’arriver à de tels résultats. Ça fait partie des belles histoires que j’ai eues avec les poneys.

Avez-vous toujours un regard sur le circuit Poney en France ?
Sincèrement, je n’ai pas assez de recul car je ne le fréquente plus. J’ai beaucoup vécu en Italie jusqu’à il y a un an et demi. Par rapport aux compétitions poneys, sur un plan très général, je pense qu’il faut enseigner dès le départ les bonnes bases aux jeunes cavaliers, la bonne équitation. Leur apprendre à être des cavaliers raisonnés, à avoir des méthodes douces, à comprendre le cheval, c’est très important. C’est ce qui se pratique aux États-Unis : l’école d’équitation, là-bas, est la meilleure au monde, on ne brûlera jamais les étapes ! C’est une méthode progressive où les bases sont vraiment respectées. Tous les instructeurs ont d’ailleurs le même langage, tous utilisent la même méthode basée sur l’équitation classique française. En Europe, en France notamment, on a toujours tendance à pousser les enfants, plus haut, plus loin, trop vite. C’est pourtant la France qui a inventé la plus belle équitation, celle qui est reconnue mondialement et que toutes les autres nations ont cherché à copier. Si on arrive à faire monter les enfants avec une bonne équitation, en leur inculquant, ensuite, la détermination et la conviction, là ils peuvent gagner avec la bonne manière. Se battre sur la piste, si on le fait avec éthique et respect, c’est fabuleux !

Éric Louradour et Delphine Frey au CSIJ de Lacanau - ph. Famille Frey
Éric Louradour et Delphine Frey au CSIJ de Lacanau – ph. Famille Frey

Vous évoquez l’équitation classique française, avez-vous le sentiment que les cavaliers se sont éloignés de cette base et de cette rigueur du passé ?
Je pense qu’il y a eu des phénomènes de mode qui nous ont quelque peu éloigné de cette méthode. La méthode allemande, par exemple, à un moment où les Allemands gagnaient beaucoup, utilisée même par certains cavaliers français : ils pouvaient monter derrière le mouvement, très assis… Aujourd’hui, si vous observez les meilleurs mondiaux, ils montent tous avec le mouvement, en avant, en suspension… Tous les meilleurs mondiaux vont dans cette direction ! Comme me le rappelait Marcel Rozier, l’autre jour à Macon, dans le temps, les Français montaient déjà avec le mouvement en avant et en légèreté. Il suffit d’observer d’Oriola ou Rozier. Et pour reprendre votre question, oui, les cavaliers se sont éloignés de cette base et, plus généralement, je pense que le monde de l’équitation doit encore évoluer. La générosité, le respect, l’éthique, la patience, le fait de vivre au jour le jour avec enthousiasme et convictions, confiance aussi, voilà les valeurs de l’équitation. C’est une merveilleuse école de la vie ! Notre sport s’est un peu dégradé, il s’est un peu trop vulgarisé. Je trouve cela dommage car, personnellement, je viens d’un milieu très humble et les chevaux m’ont aidé à grandir à tous niveaux, social, mais aussi culturel, personnel… Trop de gens sortent par exemple dans des épreuves au-dessus de leur niveau. C’est le seul sport qui accepte l’approximation ! Dans les autres sports, vous accédez à la catégorie supérieure que si vous êtes performant et capable de bien faire les choses à votre niveau. En équitation, on se permet de dire « allez, on va essayer plus haut », ce qui peut avoir comme conséquence de rendre des cavaliers frustrés et aigris. Ils se font peur et peuvent avoir un rapport de force avec l’animal. Or, il faut donner du plaisir au cheval, il faut qu’il ait envie de vous emmener de l’autre côté. Par la bonne éducation, la bonne approche, sans les détruire mentalement et physiquement, les chevaux peuvent être amenés à devenir de véritables athlètes. Il en est de même pour le cavalier. J’en suis convaincu. Et puis on peut pratiquer l’équitation sans faire pour autant de la compétition – comme on peut apprendre à jouer au tennis sans faire des tournois – et apporter des notions éducatives qui inciteraient les gens à être respectueux et à gérer un animal comme il se doit. Plus on ira dans ce sens-là et plus notre sport sera respecté. Ce message-là est hyper important, surtout pour les premiers maillons de la chaîne que sont les cavaliers sur poneys.

Éric Louradour et deux de ses élèves actuels – ph. Marie Céleste David
Éric Louradour et deux de ses élèves actuels – ph. Marie Céleste David

Nous abordons là une notion fondamentale qui est le bien-être animal…
Des choses sont faites en ce sens et c’est très bien, mais il y a aussi, si je puis dire, beaucoup de « cinéma » fait autour. Pour moi, la plus grande cause de maltraitance est due à la mauvaise équitation. Le rapport à l’animal, le respect qu’on lui doit, le temps qu’on doit lui dédier, pour moi, c’est la priorité. Cet essentiel dépasse très largement la mode de la couverture magnétique et des guêtres glacées. Les chevaux (et les cavaliers) sont dans un bien-être et progressent non pas avec une baguette magique et des choses révolutionnaires, mais par le biais de la prise de conscience, de la remise en question et de la progressivité dans le travail.

Faites-vous une différenciation lorsque vous faites travailler des cavaliers adultes ou des professionnels de niveau Jeux olympiques, ou des adolescents avec leurs poneys ?
J’ai toujours fait travailler des cavaliers de tous niveaux. À partir du moment où ils ont la passion, ont envie de se remettre en question et qu’ils sont prêts à s’engager, le niveau n’a pas d’importance. Il y a toutefois une différence entre un enfant et un cavalier professionnel. Ce dernier vient vers vous car il sait ce que vous allez lui apporter. Le jeune, il faut quand même le séduire, et pas seulement par des mots. Il faut le sensibiliser afin qu’il ait vraiment envie de venir vers vous, non pas parce que vous êtes l’entraîneur national, mais parce que vous allez lui apporter quelque chose, à cheval, techniquement, mais aussi dans sa vision générale de l’équitation ou du sport, son mode de vie ; c’est tout un ensemble. Aujourd’hui, la connaissance est à la portée de tous avec Internet. Les enfants, qui n’ont peut-être pas l’humilité qu’avaient les générations précédentes, peuvent avoir le sentiment de tout savoir. Et même si cela peut paraître contradictoire, je pense qu’ils aiment être guidés.

Éric Louradour : "La générosité, le respect, l’éthique, la patience, le fait de vivre au jour le jour avec enthousiasme et convictions, confiance aussi, voilà les valeurs de l’équitation." – ph. Marie Céleste David
Éric Louradour : « La générosité, le respect, l’éthique, la patience, le fait de vivre au jour le jour avec enthousiasme et convictions, confiance aussi, voilà les valeurs de l’équitation. » – ph. Marie Céleste David

Y a-t-il une différence dans l’entraînement d’un poney et d’un cheval de haut niveau ?
Effectivement, il y a une différence : le poney est plus résistant et, en même temps, l’enfant a besoin de répéter beaucoup plus souvent ses gammes. Quand je me remémore les poneys qui sautaient ces épreuves-là, ils étaient à moitié fous. Comme le dit d’ailleurs Henrik von Eckermann, « un très bon cheval de concours est un cheval à moitié fou, c’est un cheval qui va dans le feu ! ». Au niveau des poneys, c’est pareil, tous les très bons avaient beaucoup de personnalité, de sang. C’est vrai !

Y a-t-il des poneys qui vous ont marqué bien plus que d’autres ?
Oui. À l’époque de Delphine, je me rappelle en particulier d’une ponette que les anglais se revendaient, elle était extraordinaire et avait gagné je ne sais combien de championnats d’Europe. C’était Colton Maelstrom : une légende ! En France, Dexter m’a aussi beaucoup marqué, il était exceptionnel. Un poney de l’équipe d’Italie championne d’Europe en 2016 était aussi absolument extraordinaire, il s’agissait de Rock Dee Jay. Il avait gagné aux Pays-Bas avec la fille d’Henk Nooren. Ce sont des poneys d’exception.

Des poneys que vous placez au même rang que les grandes stars chevaux ?
Absolument, et ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que les très grands champions se montaient comme des chevaux. Ils étaient assez classiques, avaient un galop immense, ils étaient déjà modernes, dans le sang et dotés de beaucoup de respect. Ils avaient tout pour eux, à l’image des chevaux d’aujourd’hui.

Il y a quelques années, Éric Louradour a également entraîné, au sein des écuries Chev'el, Jeanne Sadran et Nina Mallevaey. Lors des championnats d’Europe d’Aarhus, ces deux cavalières défendaient, par ailleurs, les couleurs de l’équipe de France - ph. Poney As
Il y a quelques années, Éric Louradour a également entraîné, au sein des écuries Chev’el, Nina Mallevaey et Jeanne Sadran. Lors des championnats d’Europe d’Aarhus, ces deux cavalières défendaient, par ailleurs, les couleurs de l’équipe de France – ph. Poney As

Pour vous, le circuit poney est-il un tremplin vers le haut niveau ?
À condition, oui, qu’on inculque aux cavaliers les bonnes manières. Plus tôt on vous met dans le système des Coupes des nations, mieux c’est, il n’y a pas de secret. Dans les autres sports, les gamins qui réussissent sont ceux qui ont été habitués très tôt à la compétition. Après, j’ai souvent constaté, dans les catégories « Jeunes », que les cavaliers ne se rendaient pas toujours compte de la chance qu’ils avaient d’avoir un bon poney ou cheval, au bon moment. Ils pensent très souvent qu’ils en trouveront toujours un autre derrière. D’autres montent extrêmement bien, mais n’ont pas cette chance. Ces gamins-là, on les retrouve plus tard, au plus haut niveau, à cheval. C’est peut-être d’ailleurs ce qui leur donne cette force. Je les sensibilise beaucoup là-dessus. « Attention, ne crois pas que ta vie sera faite que de roses, tu trouveras aussi des épines. Aujourd’hui, tu as la chance d’avoir un cheval ou un poney extraordinaire, alors prends-en bien soin, gère sa carrière et le nombre de sauts que tu vas faire avec lui ».

Si une fédération vous demandait de réentraîner une équipe nationale, est-ce que vous accepteriez ?
C’est un vrai engagement qui nécessite énormément de travail, d’énergie, beaucoup de remises en question et d’explications. Dans la vie, on a des périodes, et moi je suis dans une période de questionnements. J’ai 61 ans cette année et je ne sais pas si j’ai envie de reproduire cela. Je suis quelqu’un de droit et d’entier, si les choses ne vont pas, je n’arrive pas à les digérer. Aujourd’hui, peut-être que je dirais oui si les choses sont correctement posées sur la table et que je n’ai pas d’obligations, notamment en lien avec des intérêts politiques. Ce dont je suis sûr, c’est que ma passion est toujours là, et l’envie de partager aussi !

Propos recueillis par Pauline Bernuchon

 

Interview à retrouver dans le Magazine Poney As, disponible lors du Generali Open de France de Lamotte-Beuvron
Interview à retrouver dans le Magazine Poney As, disponible lors du Generali Open de France de Lamotte-Beuvron
L’équipe d’Italie sacrée championne d’Europe à Aarhus
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Priscilla Pigozzi Garofalo et Poetic Justice Cassio
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Camilla Mainardi et Donja
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Alessandro Orlandi et Manisha 2
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Le couple individuel Neri Pieraccini et Invisible E van Het Juxschot
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L'équipe d'Italie sur le podium
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